Expérience client numérique : du buzz à la réalité opérationnelle

« Nous considérons nos clients comme des invités à une fête où nous sommes les hôtes, c’est notre job d’améliorer leur expérience un peu plus chaque jour. »
Jeff Bezos, CEO d’Amazon

Expérience client et transformation numérique

Parmi les sujets qui mobilisent les annonceurs en 2018 dans un contexte de transformation, la Customer Experience (CX) ou Expérience Client semble devenue incontournable, pour tant le concept n’est pas si récent, car il est né à la fin des années 90. En effectuant une recherche rapide sur le sujet, ils se retrouvent abreuvés d’exemples très marquants issus d’entreprises telles qu’Amazon, Alibaba, Apple… présentés par des consultants spécialisés en benchmarks d’innovations qui font briller les yeux des COMEX, mais laissent l’impression amère que l’on a accumulé un retard difficile à rattraper (ce que nous appelons la dette numérique).

À en croire ces benchmarks, des solutions miracles existent : chatbots, voicebots, robots d’accueil, dispositifs connectés… Sauf que la réalité opérationnelle de ces nouveaux outils est aujourd’hui en décalage avec la promesse qui est faite aux annonceurs. Plus de 300.000 chatbots ont ainsi été développés sur Facebook Messenger, mais combien d’entre eux ne sont que des scripts imparfaits qui ne font pas illusion face à un consommateur exigeant ? Qui parmi vous s’est réellement senti bluffé par l’interaction avec un robot conversationnel ? La promesse faite par la plupart des vendeurs est que ces assistants apprennent de vous et anticipent vos besoins, mais on en est encore très loin.

La solution est-elle la voix ? Certes, les enceintes connectées Google Home et Amazon Alexa sont désormais disponibles en France, mais force est de constater que l’expérience qu’elles proposent n’est pas encore satisfaisante. Pour ceux qui aspirent à une interaction naturelle et fluide, passez votre chemin, car vous n’obtiendrez que trop souvent cette réponse lancinante : « Je ne sais pas comment vous aider« . Par exemple, si vous voulez connaître la météo dans une ville, l’adresse d’un cinéma, lancer une playlist d’un artiste sur Spotify… tout devrait bien se passer. Mais si vous commencez à croiser les informations, cela va être beaucoup plus difficile. Google Home bloquera par exemple sur « Donne-moi l’heure de la prochaine séance du film Transformers dans le cinéma Gaumont Opéra« . Pourtant, ces informations sont accessibles via Google et sur les sites Internet. La seule façon d’obtenir une réponse satisfaisante serait sûrement de poser la question dans une application Gaumont dédiée (mais alors, pourquoi ne pas passer par son smartphone où ce sera moins laborieux ?).

Aux sceptiques, les fans de la voix opposent le nombre de ventes d’enceintes connectées (100 millions en service à la fin 2018 et 225 millions en 2020). Personnellement, pour avoir testé les enceintes d’Amazon et  de Google, je m’intéresserais plutôt à l’utilisation réelle de ces objets. Un peu comme les bracelets et montres connectées, dont la durée de vie moyenne de 6 mois les amènent inexorablement à finir dans un tiroir, faute d’intérêt quotidien réel.

Quid des robots d’accueil ? À l’heure actuelle, ils amusent beaucoup les enfants (et accumulent des traces de doigts sur les tablettes tactiles qu’ils arborent), et jouent surtout le rôle d’écran interactif en mouvement. La liste des innovations technologiques « révolutionnaires » pourrait s’allonger beaucoup plus : balise beacon sans intérêt car nécessitant une connexion bluetooth souvent désactivée, réalité augmentée proposant une expérience encore imparfaite, réalité virtuelle sensée attirer le chaland et sublimer son expérience, mais qui fonctionne de façon très aléatoire.

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Après avoir lu ça, vous devez penser que le marketer technophile que je suis est devenu techno-sceptique. Je vous rassure : il n’en est rien, je m’étonne simplement du buzz démesuré autour de technologies expérientielles qui ne sont pas réellement prêtes (on a souvent l’impression de se retrouver face à des version Alpha). Je reste invariablement déçu par ces expériences à faible valeur ajoutée proposées par des marques et leurs agences qui cherchent à faire des « coups de com », plutôt qu’à réellement travailler sur un enrichissement réel de l’expérience client.

Pourtant, parmi toute cette pagaille, on peut trouver quelques pépites qui redonnent foi en ces technologies. Côté chatbots tout d’abord, je citerai l’exceptionnelle expérience proposée par Arte et l’agence Darewin pour la série « Transferts » (pas d’intelligence ici, mais un vrai travail de conception) :

Il y a également le OUIbot de la SNCF :

Si le sujet des (bons) chatbots vous intéresse, l’expert en la matière se nomme Thomas Gouritin.

Côté robot, nous n’attendons pas de porte-iPad sans intérêt, mais quelque chose du niveau de Sophia :

Côté réalité virtuelle en magasin, je ne peux que féliciter Diesel et son Only the Brave High, une expérience à Madrid, Berlin, Ankara, Londres… qui a généré beaucoup de notoriété, d’engagement, des temps d’attente allant jusqu’à 1h30, et qui est allé jusqu’à booster réellement la conversion.

L’expérience client est un sujet sérieux, central, qui ne doit pas être pris à la légère. Le simple vernis de la nouveauté ne remplacera jamais la volonté de proposer un parcours sans friction, dont les nouveaux terrains d’expression surpassent en efficacité l’existant. Si on veut égaler les leaders, il faut viser, a minima, l’excellence.