Comment le numérique bouleverse l’expérience de marque

« Les publicités sont les acouphènes d’un monde violent qui n’est jamais muet »
Bernard Maris

L’expérience de marque peut se définir comme le ressenti d’un consommateur vis-à-vis d’une marque à travers ses points de contact (publicités, points de vente…) et son offre (ce qui est promis). Dire que le numérique a bouleversé l’expérience des consommateurs est un euphémisme tant son impact est gigantesque. Nous sommes en effet bien loin du contexte de marché du XXe siècle où les canaux d’information et circuits de distribution étaient limités : on ne pouvait consommer que les contenus diffusés par les médias de masse (TV, radio, journaux…) et n’acheter que les produits ou services disponibles dans le point de vente le plus proche.

Aujourd’hui, un consommateur a accès à des dizaines de millions de produits depuis son smartphone (livrés en 2 h) et il consomme l’équivalent de 90 mètres de contenus tous les jours (People are scrolling through 90 meters web content every day – that’s the same as the height of the Statue of Liberty). Dans un tel contexte, il serait impensable de continuer à traiter les prospects et clients comme on le faisait au siècle dernier, et pourtant…

Les contenus comme alternative au matraquage publicitaire

Avec la multiplication des terminaux (smartphone, tablette, TV connectée, enceinte connectée…) et des canaux (Facebook, Instagram, Google, YouTube, Twitter, Pinterest, Snapchat…), l’attention des consommateurs est complètement fragmentée. L’abondance de contenus pousse les utilisateurs à sur-consommer, ce qui fait chuter le taux d’engagement (plus personne n’a le temps de commenter ou même de partager) et pénalise même leur jugement (prolifération des fake news) ainsi que leur capacité à s’émouvoir (Is compassion fatigue inevitable in an age of 24-hour news?).

Pour pouvoir exister dans ce maelstrom, les annonceurs doivent à minima comprendre les spécificités des canaux digitaux et bien appréhender les us et coutumes des supports numériques (transparence, réactivité…). De plus, avec la multiplication des formats de contenu (tweets, stories, GIFs animés…), les marques doivent être en mesure d’adapter leurs créations (ex : vidéos verticales) ainsi que le rythme de publication (abandonner la logique de grandes vagues publicitaires annuelles au profit de contributions plus régulières).

Enfin, les marques doivent impérativement être sensibilisées aux différentes pratiques de publicité en ligne et aux contraintes qui y sont associées (ex : achat programmatique et brand safety, ciblage individuel et RGPD…).

Des services à valeur ajoutée pour rehausser la valeur perçue

Avec l’avènement de la mondialisation et des places de marché de fournisseurs / fabricants comme Alibaba, il est extrêmement compliqué de conserver un avantage concurrentiel reposant sur les caractéristiques d’un produit. Le service semble aujourd’hui être le dernier critère de différenciation durable, et surtout un levier de « premiumisation » très efficace.

Si les prestations ayant recours à du personnel sont compliquées à industrialiser, les applications mobiles peuvent en revanche apporter un premier niveau de service très intéressant, car plus simples à déployer à grande échelle et surtout moins coûteuses. Certes, une application mobile ne peut pas faire de miracle, mais c’est ce qui se fait de mieux en fonction de l’investissement et du service rendu. Dans tous les cas de figure, c’est une réflexion dont vous ne pouvez pas faire l’économie tant l’intensité concurrentielle est élevée.

L’innovation comme remède à la banalisation de l’offre

Aujourd’hui, 4 adultes sur 5 sont équipés d’un smartphone. Grâce à eux, les consommateurs s’affranchissent des contraintes d’espace et de temps, ils sont devenus omniscients (ils savent tout de vos produits : avis, ingrédients, disponibilité, prix…) et omnipotents (ils peuvent commander en moins d’une minute chez votre concurrent et se faire livrer dans la journée). Ce contexte devrait vous aider à relativiser la pertinence ou la compétitivité de votre offre. Comme précisé plus haut, la dure réalité à laquelle les marques et distributeurs sont confrontés est que les avantages concurrentiels sont plus durs à obtenir et plus rapides à disparaitre. Notamment car les consommateurs sont devenus plus exigeants et car leurs besoins évoluent beaucoup plus vite. Exemple : la recherche de la gratification instantanée prévaut aujourd’hui sur le désir de possession. Il en résulte une banalisation de produits que l’on pensait quasi éternels (La destruction créatrice est un phénomène contre lequel vous ne pouvez pas lutter).

De plus, les acteurs traditionnels doivent faire face à une nouvelle forme de concurrence : de nouveaux entrants issus du numérique, agiles et motivés par un désir de disruption, qui n’ont rien à perdre et trouvent facilement des relais de croissance grâce à l’élan donné à notre Nation des startups (subventions, financements, accueil dans des incubateurs…). Il en résulte des conditions de marché extrêmement tendues qui poussent les marques à faire évoluer leurs produits et offres pour ne pas tomber dans le piège de la banalisation. Mais gardez bien en tête que l’innovation technologique est un moyen, pas un objectif.

Au final, le cap que les marques et distributeurs doivent franchir est de comprendre et d’accepter le changement de siècle : les consommateurs évoluent maintenant dans un quotidien numérique et ont adopté de nouveaux réflexes d’achat. Ils ont également développé de nouvelles exigences qui ne peuvent pas toutes être comblées par des baisses de prix. Dans ce contexte, il n’est plus possible de conserver des pratiques marketing ou commerciales qui datent du siècle dernier, d’où la nécessité d’adopter un état d’esprit plus en phase avec le marché (Adapter sa stratégie dans un monde digital). De même, pour lutter à armes égales avec leurs concurrents, les marques et distributeurs doivent impérativement faire monter en compétences leurs équipes sur l’exploitation des données pour pouvoir se maintenir dans la course à la compétitivité.

Le numérique impacte de nombreux pans de l’économie et de notre société, si vous lisez ces lignes, c’est que vous en êtes déjà persuadé(e). Nous avons abordé dans cet article la transformation digitale sous l’angle des consommateurs et de l’expérience de marque, un des six enjeux majeurs de notre matrice de l’accélération digitale. Dans les prochains articles, nous l’aborderons selon d’autres angles d’approche : expérience client, gain de performance, urbanisation du S.I., anticipation des risques et expérience collaborateur.