« Beaucoup de réflexion et non beaucoup de connaissances, voilà à quoi il faut tendre. »
Démocrite
Nous évoluons dans un monde en mouvement
La quatrième révolution industrielle est en cours, le numérique accélère la reconfiguration des marchés, fait évoluer les attentes et habitudes des consommateurs, favorise l’émergence de nouvelles formes de concurrence, stimule le déplacement de la valeur… Nous sommes en train de vivre un changement radical de l’environnement concurrentiel, une révolution qui nécessite une ambition pédagogique proportionnelle aux enjeux du numérique (De l’uberisation à l’accélération numérique). Et pourtant, la majeure partie des entreprises et organisations aborde ces changements avec des outils pédagogiques inappropriés.
Si les formations traditionnelles sont pertinentes pour compléter ou transmettre de nouvelles compétences, elles ne sont pas adaptées pour préparer les collaborateurs aux bouleversements induits par le numérique. Certes, il y a un réel besoin de remise à niveau sur un ensemble de domaines liés au numérique (ex : publicité en ligne, omni-canalité, conception / réalisation de sites web ou applications mobiles…), mais les modalités pédagogiques utilisées pour couvrir ces besoins (des sessions de formation dans une salle de réunion) ne sont pas suffisantes pour mener à bien une transformation digitale en profondeur et résorber la dette numérique.
De la désintermédiation à l’uberisation
En fonction de leur secteur d’activité, les entreprises et organisations sont ainsi confrontées à différentes formes de bouleversement :
- plateformisation, qui désigne un phénomène de ré-intermédiation et mobilisation des utilisateurs qui deviennent acteurs de la transformation (ex : Uber, AirBnB…) ;
- substitution, quand une offre présentant une plus forte proposition de valeur grâce à une ou plusieurs innovations technologiques se positionne en tant qu’alternative aux offres traditionnelles (ex : voitures électriques) ;
- disruption, qui survient quand une offre en rupture avec l’existant rend possible ce qui ne l’était pas avant, soit grâce à une innovation technologique (ex : Apple Pay), soit grâce à un nouveau modèle économique (ex : paiement à l’utilisation).
Le point commun de ces formes de bouleversement est le numérique qui agit comme un levier permettant d’opérer des changements rapides et parfois brutaux de rapport de force (les GAFA sont ainsi en position ultra-dominante). Subitement, des acteurs historiques qui bénéficiaient d’une rente de situation se retrouvent face à une concurrence contre laquelle ils ne savent pas lutter (ex : les banques de réseau face aux néo-banques comme N26 ou Revolut qui ont déjà séduit des millions de clients).
Face à ces nouveaux entrants issus du numérique qui bouleversent de façon irrémédiable les attentes des consommateurs et la dynamique concurrentielle, les acteurs historiques ne peuvent se contenter d’une simple mise à niveau (continuer de travailler de la même façon, sur la même offre, mais avec des outils différents). Ce dont ils ont besoin pour relever les défis de la transformation digitale, c’est de faire évoluer leur offre et leur mode de fonctionnement (organisation, méthodes de travail, circuits de prise de décision…).
Upskill vs. Reskill
Pour mener à bien leur transformation numérique, les entreprises doivent adopter une approche pédagogique différente qui ne repose pas uniquement sur la transmission de connaissances, mais aussi sur l’évolution des mentalités. Opérer une transformation digitale ne se limite pas à la refonte du site web ou au lancement d’une nouvelle offre en périphérie de la gamme, cela passe par la formalisation d’une vision, l’évolution de la culture interne, l’acquisition de nouvelles compétences, l’adaptation des méthodes et outils de travail… mais plus que tout, un réel changement des mentalités.
Dans l’absolu, former ses collaborateurs aux outils numériques ne représente pas une grosse difficulté. L’important n’est pas la montée en compétences, mais le contexte psychologique et émotionnel dans lequel cela peut se faire. La résistance au changement est ainsi un facteur bien trop souvent négligé. Il convient dans un premier temps d’aider les collaborateurs et manageurs à prendre conscience des dangers du numérique et se forger de nouvelles convictions. Sans ce travail préalable, ils n’accorderont qu’une attention partielle aux efforts de montée en compétences (« J’accepte d’y participer par politesse, mais ce n’est pas réellement mon problème« ). Il y a d’une part ceux qui refusent le changement, et pour lesquels il faudra pratiquer l’inception, c’est-à-dire l’utilisation de pédagogies alternatives pour faire passer des messages (ex : jeux sérieux, méthode ARIS…) ; et d’autre part, ceux qui se sentent perdus, largués ou en danger pour lesquels il faudra faire preuve d’empathie (ex : scénarios de design fiction ou de type Now / New Now…).
Cette dimension psychologique et émotionnelle se retrouve également dans la nature même des nouvelles compétences à développer. Il n’est ainsi pas envisageable de faire monter en compétences les collaborateurs sur l’ensemble des pratiques liées au numérique (ex : commerce en ligne, référencement, développement web / mobile, community management…). Il est plus réaliste de les sensibiliser aux enjeux, aux grands principes et aux tendances d’évolution de ces pratiques. En revanche, pour bien préparer les collaborateurs et managers aux défis qu’ils vont devoir relever, il est essentiel de les accompagner dans l’acquisition ou le renforcement de compétences humaines : capacité d’écoute, résolution de problèmes complexes, savoir planifier et déléguer…
Un programme complet pour une transformation en profondeur
Comme nous venons de le voir, la transformation digitale est un chantier complexe qui ne peut être achevé avec des dispositifs pédagogiques traditionnels. Trop coûteuses, pas adaptées à des journées de travail bien remplies, les sessions de formation ne permettent de remplir qu’une partie des objectifs d’un programme de transformation. D’autres formats pédagogiques sont généralement utilisés pour couvrir les différents besoins pédagogiques / psychologiques (communautés en ligne, newsletter, ateliers, conférences, sessions d’immersion…).
Pour avoir été confrontés à cette problématique dans plusieurs grandes entreprises, nous avons acquis la certitude que face à l’ampleur des défis numériques à relever, augmenter le nombre de sessions de formation est contre-productif. La viabilité d’un programme de transformation repose avant tout sur la cohérence des formats pédagogiques qu’il propose plus que sur la densité des modules. D’expérience, nous savons que l’approche par la force brute ne fonctionne pas : multiplier les sessions de formation fini par assommer les collaborateurs et les écoeurer du numérique. L’important n’est pas de leur remplir la tête avec des notions techniques, mais de les faire tous regarder dans la bonne direction et de leur transmettre l’envie et les moyens d’y parvenir ensemble. Et c’est là la principale différence entre formation et transformation.