Transformation RH : entre digital et expérience collaborateur

« L’humain n’est pas dans l’homme mais dans ce que les hommes construisent entre eux ».
Paul Watzlawick

La fonction RH doit être le guide des collaborteurs dans leur transformation digitaleLa fonction RH nous affecte personnellement car elle est la première à réellement toucher toutes les personnes au sein d’une structure. Et si souvent on s’imagine que le rapport établi avec le service RH se limite au salaire reçu chaque mois, la fonction RH est bien plus riche que cela, et n’a jamais été aussi essentielle dans nos entreprises en permanente accélération. C’est elle qui rallie les collaborateurs entre eux, qui les accueille, les accompagne, les gère, les forme…  C’est elle aussi souvent qui représente l’entreprise en cas de conflits et qui a la tâche difficile de la faire évoluer en recrutant de nouveaux talents. Essentiellement, ce sont les Ressources Humaines qui ajoutent de l’Humain aux entreprises, et la fonction RH est d’autant plus cruciale dans les grandes entreprises où certains collaborateurs peuvent évoluer sans jamais rencontrer les autres services.

Digitalisation = déshumanisation ?

Dans ce contexte, la digitalisation de la fonction RH fait parfois peur car elle paraît la déshumaniser, et rajouter des barrières entre les personnes. Pourtant, force est de constater que depuis de nombreuses années, le travail d’un RH a bien évolué. Beaucoup ont su prendre le tournant pour engager et créer de nouveaux liens entre leurs équipes, en testant de nouveaux outils numériques. 82% des décideurs RH sont d’ailleurs convaincus que le digital améliore l’engagement des collaborateurs selon Sopra RH et Markess. Les nouvelles technologies ont changé les usages de tous et avec elles, de nouvelles formes de communication sont apparues, et de nouvelles formes de travail aussi. Sans retirer l’humain de l’équation, elles restructurent toutes les organisations autour de ces nouvelles pratiques, et c’est habituellement aux RH de faire la part des choses et de guider les collaborateurs dans ces évolutions.

Le numérique est rarement à blâmer pour les problèmes auxquels font face les entreprises. Ce sont surtout les choix des directions qui sont cruciaux, dans une situation où il est parfois difficile de faire la différence entre innovation utile, et poudre aux yeux. A l’heure où la majorité des entreprises qui se créent tournent autour du numérique, l’accompagnement du changement dans les entreprises est primordial à tous les niveaux, en particulier pour celles nées au siècle dernier.

Employé ou collaborateur ?

Par ailleurs, une des premières conséquences de la digitalisation des entreprises est l’impossibilité de maintenir des rapports hiérarchiques verticaux, et de rester dans des modèles managériaux traditionnels. La culture du travail évolue avec chaque génération et la compréhension de ces évolutions devient clé pour attirer les talents dans les entreprises. C’est le rôle de la fonction RH d’accompagner ces évolutions au sein de l’entreprise. Il n’est d’ailleurs plus vraiment possible de considérer le « collaborateur » comme un « employé ». Derrière ces mots qui peuvent paraître synonymes, se cachent des manières de penser totalement opposées, basées sur de nouvelles formes horizontales de relations au travail. Nous avions parlé de flex office dans un autre article, mais il faut inclure toutes les nouvelles pratiques de travail. Télétravail, freelance, bureaux partagés, compréhension des collaborateurs à travers le filtre des neurosciences, inclusion des plus jeunes générations et reverse mentoring sont autant de pratiques nouvelles auxquelles il faut désormais réfléchir pour répondre aux besoins de ses collaborateurs.

Car il n’est plus possible de penser l’entreprise en dehors de ses collaborateurs. Renforcer la marque employeur est aussi important que renforcer la relation client, et il faut désormais considérer l’expérience collaborateur à toutes les étapes de sa vie dans l’entreprise :

  • au moment de sa recherche d’emploi ;
  • pendant le recrutement ;
  • pendant l’onboarding ;
  • tout au long du cheminement du collaborateur dans l’entreprise ;
  • dans sa mobilité interne ;
  • au moment de son départ de la structure.

Il faut envisager chacun de ces moments comme des étapes clés pour le renforcement de la marque employeur, et pas simplement au moment de la recherche de nouveaux talents.

Le recrutement

Lors des phases de recrutement, il faut habilement jouer entre rencontre physique et numérique. L’expérience utilisateur doit être sans failles, pour laisser toutes les chances aux meilleurs talents de candidater. La notion de temps passé à postuler est aussi clé, dans une société où les informations sont démultipliées et le temps disponible est de plus en plus rare. Combien de sites de recrutement d’entreprises sont aujourd’hui butoirs pour des personnes motivées, car trop complexes ? Il n’est plus temps de passer au numérique mais plutôt de proposer des expériences fluides et sans failles, aussi bien numériques que physiques. Beaucoup d’entreprises se lancent par exemple sur le terrain des chatbots pour attirer les candidats et simplifier les parcours de recrutement. Mazars a créé Sam, un coach virtuel permettant aux candidats de préparer leurs entretiens. Manpower Group s’est fait remarquer à Vivatech 2019 avec ses cabines de recrutement, dans lesquelles les candidats pouvaient passer des entretiens de présélection avec un chatbot nommé Zara. Attention cependant à ne pas oublier l’humain dans ces expériences, et à respecter le candidat. Le plus évident à mettre en place reste le mail, pour le prévenir de l’avancée de sa candidature.

Pour trouver les bons candidats il faut par ailleurs souvent aller les chercher sur leurs terrains de prédilection. Aujourd’hui, le recrutement a lieu sur LinkedIn, Twitter et même Snapchat : pour faire rayonner la marque employeur, certaines entreprises n’hésitent pas à mettre en avant leurs collaborateurs, à l’image de Michel et Augustin dont les salariés font la promotion de leur vie dans l’entreprise sur Snapchat avec leurs comptes personnels. Une stratégie qui s’inscrit dans la tendance de l’ « employee advocacy » , où les collaborateurs, portés par les pôles RH et communication, vont mettre en avant l’entreprise sur leurs propres réseaux. De manière plus terre à terre, LinkedIn, premier réseau social professionnel en France, est désormais le terrain de jeu préféré des recruteurs et permet d’identifier des profils clés souvent invisibles dans les canaux traditionnels.

L’onboarding

Pour ce qui est du onboarding, c’est une étape-clé souvent mal développée dans beaucoup de structures. Selon une étude LinkedIn, 4% des nouveaux salariés quittent leur poste après une première journée désastreuse et 22 % des rotations de personnel ont lieu pendant les 45 premiers jours. Pour aider à l’intégration de nouvelles recrues, beaucoup d’entreprises issue du numérique se sont proposées d’intervenir. Silkroad propose par exemple une solution, Red Carpet, pour optimiser le processus d’accueil des nouveaux entrants et préparer sa venue dans les lieux. Elle est utilisée par des grands groupes comme L’Oréal, Randstad, Galeries Lafayette, Solocal Group… Mais cet outil ne peut pas se détacher d’initiatives internes pour faire se rencontrer les équipes et intégrer le nouvel arrivant de manière optimale. Quand j’ai commencé à travailler chez Danone il y a quelques années, chaque nouvel arrivant était accueilli avec un serious game qui permettait de découvrir les différentes BU de l’entreprise. Ce jeu posait un réel problème car il était trop complexe et insuffisant pour intégrer les équipes. Pendant ma mission chez Danone, j’avais alors participé à la mise en place d’un programme d’accompagnement des nouveaux entrants, qui devait venir compléter cet outil et qui intégrait à ce moment la systématisation de toute la partie humaine, absente jusque-là. Autre problème que j’avais rencontré à cette époque : la difficulté d’obtenir les bons logiciels pour effectuer mon travail correctement les premières semaines. Autant de frictions qui doivent s’envisager en amont pour faciliter l’intégration, et je ne doute pas que depuis mon départ Danone se soit amélioré sur ces sujets.

En tant que collaborateur

Pendant la phase où le collaborateur est dans l’entreprise, il est désormais essentiel de maintenir les efforts pour le faire grandir en même temps qu’il fait grandir l’entreprise. Chez Facebook, le développement personnel du collaborateur est clé. Des programmes spécifiques sont mis en place pour l’accompagner dans ses objectifs personnels et professionnels, afin qu’il puisse s’épanouir dans sa vie au global (plus d’informations sur ce qui se passe chez Facebook ici). La formation est particulièrement plébiscitée pour permettre une actualisation des savoirs et compétences. De nombreuses offres existent désormais, en formats numériques comme en présentiel. Chez SYSK, nous accompagnons quotidiennement et sur mesure les entreprises sur leurs problématiques de montée en compétences digitales des collaborateurs, afin qu’eux aussi puissent évoluer sereinement au même rythme que leur entreprise et les pratiques du marché.

Il faut également favoriser les interactions. Beaucoup d’entreprises l’ont compris et ont mis en place des réseaux sociaux d’entreprises. Cependant, beaucoup de ces outils internes « faits-maison » sont déjà obsolètes face à des acteurs comme Workplace (de Facebook) ou Slack qui ont su réfléchir à une manière simple de créer de la cohésion entre les équipes avec des outils numériques adaptés. Ceux-ci sont souvent également les premiers à faciliter l’accès aux informations, un point clé attendu de la fonction RH.

Plus spécifiquement, on attend aujourd’hui de la fonction RH qu’elle simplifie toutes les étapes administratives des collaborateurs en leur apportant des solutions numériques simples. On peut par exemple évoquer Clevy, un agent conversationnel conçu pour l’interne et permettant aux collaborateurs d’accéder facilement à tous les outils administratifs comme les demandes de congés. De manière générale, beaucoup d’entreprises se sont lancées dans le grand chantier des intranets. Il faut désormais qu’elles remettent en questions ceux-ci ainsi que tous leurs outils de SIRH, pour des solutions plus simples d’utilisation pour les collaborateurs, ou qu’elles revoient l’expérience utilisateur de ceux-ci pour qu’ils soient avant tout fonctionnels pour ses utilisateurs. Penser que le travail est terminé car une solution a été implémentée est une erreur, il faut toujours rester attentif aux innovations et faire les bons choix technologiques pour rester à la pointe.

En ce qui concerne la mobilité interne, elle est désormais amplifiée par le numérique qui facilite la diffusion d’informations et les interactions entre les équipes (si les bons outils ont bien été mis en place par la Direction des Ressources Humaines). Shairlock propose par exemple aux collaborateurs de renseigner leur parcours professionnel sur la plateforme pour ensuite accompagner les services RH dans l’identification de mobilités potentielles. Il y a également Clustree, qui permet entre autre de « comprendre les compétences et souhaits de chacun et connecter les collaborateurs qualifiés aux opportunités qui les développeront et motiveront » et d’optimiser l’employabilité des collaborateurs. Il ne faut pas oublier que faciliter la mobilité interne, c’est aussi permettre de conserver les talents dans son entreprise plus longtemps tout en leur permettant d’avancer dans leur carrière professionnelle.

Le départ de l’entreprise

Le départ du collaborateur de l’entreprise doit aussi être mis en place de la manière la plus fluide possible, afin d’éviter les frictions. Avec l’apparition de sites comme Glassdoor qui permettent de donner son avis sur les entreprises, mieux vaut rompre la relation de travail avec le collaborateurs dans les meilleurs termes. Ici, on comprend bien les implications d’outils numériques non maîtrisés par l’entreprise, et qui engendrent un besoin de changement de pratiques au sein même de la structure.

En conclusion

La fonction RH a un rôle a jouer à chacune des étapes du parcours professionnel de ses collaborateurs, et porte désormais une mission lourde de sens. Souvent accompagnatrice des changements structurels des entreprises, elle a désormais pour impératif de faire évoluer rapidement les pratiques, accélérer la mise en place dans l’entreprise de solutions numériques impactantes et aider les collaborateurs à comprendre les enjeux d’un monde qui évolue souvent plus vite qu’eux.

La fonction RH est aujourd’hui en plein coeur des stratégies de transformation des entreprises, elle doit être le guide et le liant des entreprises de demain.