Transformation digitale et approche Direct-to-consumer : l’exemple d’Amer Sports

« Lorsqu’une chose évolue, tout ce qui est autour évolue de même. »
Paulo Coelho

Dans le cadre de l’événement CXM Space organisé par Adobe, et qui était dédié à l’expérience client, j’ai pu échanger avec Ludovic Legros, Director Global IT Extended Business Solutions chez Amer Sports (Salomon, Arc’teryx, Atomic, PeakPerformance, Wilson, Suunto…).

Avant d’occuper ce poste, il a notamment passé une partie de sa carrière chez Sephora (groupe LVMH), où il était en charge de l’implémentation de projets SAP. Ce premier pied dans le monde du retail s’est fait à une époque – le début des années 2000 – où tout s’accélérait, et où on observait déjà l’impact du E-commerce et des prémisses de l’omnicanalité. Il a ensuite fait une incursion dans le secteur du conseil, sur des sujets de transformation et de réorganisation de la DSI, avant d’être chassé par Amer Sports, pour accompagner l’entreprise sur de la transformation informatique et business.

De son côté, Amer Sports connaît une première évolution à la fin des années 2000, avec l’arrivée d’un nouveau Directeur Général. Ce dernier met en place une stratégie qu’on pourrait qualifier de « proctérienne », avec l’établissement de marques fortes, et un chiffre d’affaires solide dans le B2B. Il instaure une distribution en portefeuille, et l’entreprise se porte bien.

Mais la décennie suivante voit de nombreux bouleversements : le consommateur embrasse de nouveaux modes de consommation, Amazon révolutionne le business du secteur, et cela déstabilise les acteurs « brick-and-mortar » plus traditionnels. On voit ainsi plusieurs faillites d’entreprises aux US, pour qui le changement est trop compliqué à intégrer.

Amer Sports voit son salut dans une réorganisation et un développement autour du B2C, qui devient un axe stratégique. Il est alors décidé de développer des sites E-commerce pour toutes les marques du groupe. Cela a plutôt bien marché, puisque le chiffre d’affaires généré en ligne représente 10 à 40% du CA global selon les marques. Amer Sports, c’est 3 milliards de Chiffre d’affaires, et un rachat en 2019 par le géant chinois Anta Sports. A l’échelle du groupe, la transition a donc été plutôt bien gérée. Néanmoins, il existe des spécificités et des tensions qu’il faut réussir à gérer selon les marques.

Ludovic Legros s’est donc attaqué à ces spécificités en travaillant d’abord sur la marque Salomon, alignant notamment la plateforme IT avec une casquette de Directeur de la Transformation digitale. Il évalue ainsi l’impact de la technologie sur Salomon, explore les plateformes partenaires, et identifie les fournisseurs technologiques pertinents. Ce travail est fait en collaboration proche avec le CEO de Salomon, qu’il est essentiel de convaincre pour pouvoir avancer.

Mais il a aussi besoin du soutien notamment de 2 métiers en interne :

– la finance (car la transformation fait exploser les coûts d’exploitation et impacte ainsi le résultat). Il faut donc travailler à bien expliquer ce que l’on fait, et pourquoi, afin d’être parfaitement aligné
– les RH, pour répondre aux questions type « est-ce que je peux former mon personnel existant ? », « est-ce que je peux aller chercher des talents à l’extérieur (data scientist, architectes nouvelles tech, expertise 3D) ? », « est-ce que je prends des jeunes sortis des écoles ? »

Ludovic Legros identifie également plusieurs challenges à relever pour la marque Salomon :

Croître dans le DTC (Direct to consumer) que ce soit dans le retail, dans les sites e-commerce, via les E-tailers type Amazon… Il faut notamment mieux gérer le contenu éditorial et les sites des e-tailers
Gagner en Chine. Ce point est important vs le rachat récent par un groupe chinois, qui permet à Salomon d’avoir plus de clés sur le marché
Continuer à être leader dans le sport, comme marque numéro 1 pour le Ski, ou marque référence sur le Hiking. Il faut garder les fondations fortes, tout en se diversifiant dans le lifestyle avec des codes un plus « mode »

Notre discussion s’étant faite dans le cadre d’un événement Adobe, je l’ai ensuite interrogé sur son utilisation des outils associés. Dans cette démarche de transformation, les solutions Adobe sont implantées partout.

Historiquement, Amer Sports utilisait beaucoup la suite créative via leurs bureaux d’études. Ils travaillent sur la modélisation et la conception 3D, et explorent les sujets liés à la réalité virtuelle ou augmentée. La partie E-commerce a été renouvelée en 2019 avec Magento (appartenant désormais à Adobe), pour travailler l’expérience. Moins traditionnel, l’entreprise utilise également Adobe Sign, pour la digitalisation des contrats et l’optimisation du système de workflow.

Pour conclure, quels sont les conseils d’Amer Sports pour des entreprises en phase de transformation ?

Tout d’abord, un point de vigilance. Avant de se transformer, il est essentiel de savoir quelle expérience on veut offrir à son consommateur. Il faut donc travailler sérieusement sur ses personae, et ce pays par pays… Une fois qu’on les a, il faut construire son parcours consommateur, en définissant les points de contact, le Digital Journey. La transformation du parcours client implique de bien identifier où on doit commencer, et où notre action aura directement le plus gros impact.

A la suite, les personnes de l’informatique sauront dérouler l’infrastructure nécessaire, avec une approche basée sur le cloud, qui permettra de s’affranchir de l’historique IT parfois lourd à traîner

Tout cela, dans une approche dite agile, où l’erreur fait partie intégrante du processus d’innovation.

Nous le voyons ici comme chez d’autres acteurs, la transformation digitale est un processus long et compliqué, qui s’apprécie autant au niveau global que dans les spécificités des entités qui composent l’entreprise. Un travail de proximité entre les SI, le business, les RH… est essentiel, pour réussir à garantir le succès de l’entreprise pour les prochaines années.