La passion est aussi importante que le diplôme en entreprise

« Celui qui se perd dans sa passion perd moins que celui qui perd sa passion. »
Saint Augustin

Qu’est-ce qui fait qu’on prend plaisir à aller travailler ? Qu’est-ce qui motive les entrepreneurs à passer autant de temps à développer leur projet ? Qu’est-ce qui transforme les heures en minutes ? Cela s’appelle la passion.

A 38 ans, cela fait par exemple 26 ans que je me suis découvert une passion pour le numérique. Elle a commencé avec la découverte de l’informatique en 1994, puis d’Internet en 1996. Elle m’a amené à découvrir un nombre incalculable de sujets, m’a fait rencontrer ma femme, des amis, des collègues, m’a permis de lancer de nombreux projets, et me permet aujourd’hui d’accompagner des entreprises, des étudiants, avec toujours le même plaisir. En cela, je me retrouve dans les mots de Confucius : « Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie ».

La passion, c’est aussi ce qui caractérise les autodidactes : les exemples les plus connus sont Xavier Niel, Steve Jobs, Alain Afflelou… mais ils sont bien sûr beaucoup plus nombreux. Pourtant, les entreprises françaises ont encore souvent du mal à intégrer ces profils, car ils ne rentrent pas dans les cases habituelles. C’est de ce sujet dont j’avais parlé ici-même en 2018, sous le titre « Il faut passer du culte du diplôme à la culture de la compétence », et qui avait fait écho chez beaucoup de personnes avec plus de 18000 interactions sur mon post LinkedIn. Je tiens d’ailleurs à préciser que la compétence peut bien sûr aller de pair avec un diplôme, de même que la passion, mais que le diplôme n’implique pas forcément une compétence actuelle, ou de la passion.

Il devient nécessaire de revoir son logiciel de pensée : ces profils passionnés ou autodidactes présentent de sérieux atouts dans le monde professionnel actuel et à venir. Alors qu’on parle d’apprentissage continu (ou lifelong learning), les passionnés ont déjà naturellement le pli de la recherche constante de connaissance. Avec la passion vient la curiosité, avec la passion vient l’envie d’aller plus vite (ils ont souvent une grande capacité de travail), plus loin, ce qui est en phase avec l’accélération numérique qui est désormais notre quotidien. De plus, au milieu de profils formatés par les mêmes cursus scolaires, les passionnés et autodidactes ont la capacité de proposer des solutions créatives, basées sur leur vécu et sur leur intuition. C’est que qu’on appelle le « Out of the box », mais qui est plus compliqué à mettre en oeuvre qu’il n’y paraît. Ils sont aussi « agiles », là où les entreprises s’épuisent actuellement à former des cohortes parfois démotivées sur le sujet.

Les profils passionnés (tout comme les neuro-atypiques d’ailleurs) sont à mon sens mal appréhendés. On demandera ainsi d’abord un « Bac +5 d’une grande école » avant de s’intéresser aux tripes et à l’énergie de la personne. Je me souviens avoir par exemple recruté un stagiaire dans une entreprise précédente, et l’avoir choisi pour l’énergie et la passion qui l’animaient. Son école ou sa formation m’importaient peu, seul comptait son potentiel d’apprentissage (pour lui comme pour moi). Et il a été une formidable rencontre professionnelle.

Tout comme la curiosité, il semble que la passion fasse encore peur aux grandes entreprises nées au siècle dernier : on cherche à l’endormir, à l’amenuiser, par crainte de ne pas réussir à la contrôler. De plus, les personnes qui ont appris par passion peuvent souffrir du syndrome de l’imposteur : après tout, elles n’ont pas les diplômes qui vont bien, elles ont appris sur le tas. Et si elles n’étaient juste pas compétentes ? Et cela ne les aide pas à exprimer pleinement leur potentiel.

Ces frustrations poussent beaucoup de passionnés à lancer leur propre activité, cela étant d’autant plus facilité par le numérique. C’est très bien pour eux, mais quelle énorme perte pour les entreprises qui s’endorment peu à peu dans des méthodes et des énergies dépassées.

Alors comment faire pour attirer plus de passionnés et d’autodidactes ?

– Apprenez à ne pas commencer toutes vos offres d’emploi par « Bac +5 d’une grande école » et ouvrez vos chakras de recruteurs
– Formez vos managers à laisser de la liberté. Le manque de liberté tue la passion, et petit à petit, la personne
– Evaluez les compétences humaines autant que les compétences techniques
– Testez sur un cas concret, plutôt que sur du déclaratif de compétences
– Faites évoluer votre culture, vos process souvent trop rigides

Car quand on lit des articles sur les autodidactes, il semble qu’ils soient les bienvenus dans peu de secteurs dont celui du digital, du commerce, de la vente… et qu’il leur est difficile de changer de job une fois installés.

Il ne tient qu’à vous de changer ça, et d’expérimenter avec eux pour créer l’entreprise de demain.