Transformation digitale de la santé : la vision avant l’innovation

« On a beau avoir une santé de fer, on finit toujours par rouiller. »
Jacques Prévert

Ces dernières années, des centaines d’articles ont été publiés pour nous expliquer à quel point l’intelligence artificielle allait révolutionner le secteur de la santé et guérir tous les maux de l’humanité. Après six mois de crise du coronavirus, nous ne pouvons que constater l’incapacité de l’IA à prédire la pandémie, à ralentir la propagation du virus, à optimiser l’allocation des ressources ou à accélérer la mise au point d’un vaccin. Mais cela n’empêche pas les apôtres de la technologie de poursuivre sur leur lancée et de nous promettre un avenir radieux grâce à la 5G, à l’informatique quantique, aux interfaces neuronales directes…

Si vous lisez régulièrement mes articles, alors vous savez que je ne suis pas un techno-réfractaire, mais sur un sujet aussi critique que la santé, il faut savoir prendre du recul : la COVID est le révélateur des failles du système de santé français, des failles que la technologie à elle seule ne peut pas combler. Elle a d’ailleurs inspiré de très bons rapports comme ceux de l’Institut Montaigne et du CNNum (E-santé : transformer l’essai et Confiance, innovation, solidarité : Pour une vision française du numérique en santé).

Oui, la technologie est une aide précieuse, mais elle ne représente qu’une partie de la réponse possible aux problèmes de notre système de soin, car l’important est d’avoir une cohérence entre les moyens humains et technologiques. C’est d’ailleurs sur cette base que s’appuient les théories sur la médecine 4.0 où l’on parle essentiellement d’empathie, d’expérience et d’éthique. En ce sens, la médecine et le secteur santé / bien-être suivent l’évolution des autres secteurs avec un recentrage sur l’utilisateur et l’expérience que l’on peut lui délivrer.

Pourquoi s’intéresser au domaine de la santé ? Car améliorer le système de santé est une mission qui arrive à concilier l’intérêt public et celui des actionnaires, car dans la mesure où chaque individu est un client captif du système de soin, ce secteur représente donc un potentiel gigantesque et attire de nombreux investisseurs comme en témoigne cette cartographie réalisée par BPI France : L’écosystème français des startups de l’e-santé.

Comme vous pouvez le constater, le secteur des « Health tech » est prolifique, il vient stimuler un phénomène d’évolution initié il y a fort longtemps.

40 ans d’innovations pour supprimer le papier

Le système de santé en France est archaïque (traitements papier, nombreux entretiens physiques, sur-spécialisation des différents intervenants, fragmentation de l’information…). À partir de ce constat, toutes les innovations sont bonnes à prendre, car elles sont forcément synonymes de progrès. Vous noterez que le sujet n’est pas neuf, car je parlais déjà de la santé 3.0 en 2012 : Panorama de la e-Santé.

Au fil des ans, nous avons ainsi été les témoins de nombreux progrès réalisés dans différents domaines :

  • numérisation (carnets de santé électroniques, télé-transmission des ordonnances et feuilles de remboursement…) ;
  • intermédiation (comparateurs en ligne comme Assurland ou LesFurets, plateformes de réservation en ligne comme Doctolib ou KelDoc, mutuelles pratiquant une tarification forfaitaire comme Alan…) ;
  • dématérialisation (télé-consultations, suivi à distance et même télé-opérations) ;
  • autonomisation des patients (forums comme Doctissimo, bases de données grand public comme Medscape, applications d’auto-diagnostic comme Ada, chatbots comme Florence…).

De nombreuses innovations technologiques et fonctionnelles qui ont permis de réduire de façon drastique les traitements manuels, mais également de nouveaux modèles économiques qui apportent plus de transparence dans les prix. Dans tout ceci, l’intelligence artificielle n’est qu’une des composantes de l’e-santé. Même s’il y a beaucoup d’enthousiasme autour du machine learning, le travers de cette course à l’innovation est que l’on se concentre sur la dimension technologique au détriment des autres : les dimensions économiques, sociales, humaines… Plus généralement, ce dont le secteur a réellement besoin, c’est d’une nouvelle approche de la santé.

Passer d’une médecine curative à une médecine préventive grâce à la donnée

Rapportée à son PIB, la France est le pays européen où la part des dépenses de santé est la plus élevée. Notre pays bénéficie d’une couverture très généreuse qui repose avant tout sur les médicaments et les traitements. Une approche particulièrement coûteuse qui ne bénéficie pas forcément aux patients. Si nous sommes allés quasiment au bout de ce que l’on pouvait faire avec la chimie, nous avons beaucoup à apprendre d’autres approches de la santé, notamment la médecine chinoise qui est beaucoup plus tournée vers la prévention.

De même, le système de soin français est une mécanique puissante, mais très lourde, qui ne laisse pas beaucoup de place à l’humain. Il y a donc une énorme marge de progression en termes d’expérience. La révolution qu’est en train de vivre les acteurs de la distribution ou des services (recentrage sur l’expérience client) s’applique également dans la santé où l’on essaye d’optimiser et d’améliorer les parcours de soins. Un domaine dans lequel se sont spécialisés des nouveaux entrants à l’étranger, notamment l’assureur Oscar aux États-Unis : Health Care Is Broken. Oscar Health Thinks Tech Can Fix It. Même Uber se positionne sur le créneau et essaye de répliquer son succès dans les transports : Uber Health est désormais en mesure de livrer des médicaments à Seattle et à Dallas.

Mais pour pouvoir optimiser l’existant, améliorer l’efficacité de la prise en charge et prévenir les maladies, nous avons besoin de données. À la fois des données purement médicales, mais également des données sur la vie courante, typiquement le genre de données que seuls les GAFAM possèdent. Vous noterez d’ailleurs que les géants du numérique sont très actifs dans le domaine de la santé et du bien être :

Si les GAFAM affichent une très forte ambition, ils restent néanmoins tributaires d’un écosystème complexe où l’on retrouve de très gros acteurs : laboratoires pharmaceutiques, assureurs, organisations professionnels, régulateurs, législateur… Encore une fois, si tous les acteurs du numérique s’intéressent autant à la santé, c’est que le marché est gigantesque et qu’il y a une très grosse marge de progression. Mais comme expliqué plus haut, plus d’innovations technologiques ne feront pas la différence. Le problème est de nature systémique et exige une approche globale. D’où l’intérêt d’une vision d’ensemble pour libérer la donnée et bâtir un nouveau système (cf. cette publication du Forum Économique Mondial : Building the healthcare system of the future).

Vers une plateformisation de la santé

Commerce, tourisme, transports, banque, immobilier… les principaux secteurs d’activité sont en pleine réinvention sous l’impulsion des grandes plateformes numériques. La santé est également en train de subir cette mutation, notamment sous l’impulsion du Gouvernement qui a dévoilé son plan. La stratégie de transformation du système de santé repose ainsi sur le Health Data Hub, un chantier visiblement laborieux, mais une étape indispensable pour libérer la donnée et faciliter le déploiement de nouveaux services à valeur ajoutée.

Cette transformation digitale du secteur de la santé est bien évidemment perturbée par la crise du coronavirus qui mobilise toutes les ressources. Ceci étant dit, la transformation ne s’arrêtera pas pour autant, car il y a de gigantesques enjeux à relever : améliorer l’efficacité des prises en charge, baisser les coûts, limiter l’utilisation des ressources et le nombre de RDV physiques…

Les questions que vous devez maintenant vous poser sont les suivantes : est-ce que l’activité de votre entreprise ou organisation complique les parcours de soin ? Quelle place peut occuper votre offre ou activité dans le nouvel écosystème de santé qui est en train de se construire ? Quelles évolutions dans votre fonctionnement pourraient créer le plus de valeur pour les patients ? Si vous avez les réponses à toutes ces questions, il est largement temps de mettre en oeuvre la transformation. Si vous n’avez pas les réponses, il n’est pas trop tard pour initier votre transformation.

Si vous souhaitez faire monter en compétences vos équipes sur la e-santé ou sur la transformation digitale du secteur pharmaceutique, vous pouvez nous contacter.