L’innovation au service de la transformation business avec Claire Calmejane de Société Générale

« Encouragez l’innovation. Le changement est notre force vitale, la stagnation notre glas. »
David Ogilvy

Comme de nombreux secteurs, la banque connaît et anticipe des bouleversements, dont la montée en puissance des acteurs digitaux, la dématérialisation du paiement, la digitalisation de l’expérience client, l’accélération des monnaies digitales… Les challenges sont multiples, et notre invitée du jour fait partie de ceux qui contribuent à y faire face.

Claire Calmejane est la Chief Innovation Officer de Société Générale, rattachée à Frédéric Oudéa, Directeur Général. Elle est également membre du comité de direction du groupe, et elle revient ici sur son parcours, sur son métier, et sur sa vision à 10 ans.

Passé : un profil technique et de solides compétences humaines

Élevée par des parents médecins, Claire Calmejane a toujours eu le goût des sciences. Encouragée très tôt à être autonome, elle découvre alors les ordinateurs et écrit ses premières lignes de code sur Apple 2, et investit Internet dès ses débuts. Son adolescence passée, elle envisage d’abord de devenir médecin, mais se décide finalement à embrasser sa passion pour l’informatique. Elle suit donc un cursus d’Ingénieur informatique à l’EPITA, où elle finit Major de sa promotion en Sciences Cognitives et Intelligence Artificielle. A l’époque, elle est une des seules femmes de sa promotion, une réalité qui a évolué avec +10% de femmes à date.

Elle intègre ensuite un Master à HEC, puis débute sa carrière en 2006 dans le département Technology Transformation de Capgemini Consulting, où elle accompagne les entreprises et notamment les institutions financières dans leur transformation technologique et numérique. Elle met alors à profit ses caractéristiques atypiques : celles d’un profil IT à compétences managériales, qui travaille sur de la stratégie, nourrie par plusieurs mentors qu’elle rencontrera au fil du temps, et qui la motivent très vite à se spécialiser (dans la Fintech).

Pourquoi la banque ? Car c’est une industrie dans laquelle il était évident pour elle que l’impact de la technologie pouvait faire quelque chose de plus simple, inclusif … La banque est au cœur de l’économie, et Claire Calmejane aimerait la rendre accessible à tous. Chez CapGemini, elle travaille ainsi sur le business de l’expérience client, tout en ayant la capacité d’aller jusqu’à assembler le code ou identifier les bugs.

Contributrice d’une étude sur la transformation digitale des grands groupes menée par le MIT en 2011 où elle pose les bases des What (vente/marketing … ), Why (objectifs), How (gouvernance), elle rejoint à la suite le bureau de Londres (la capitale de la Fintech) de Capgemini pour piloter le centre digital du secteur Financial Services.

Recrutée en 2012 par Lloyds Banking Group, en tant que responsable du Digital delivery au sein de la direction des services en ligne, puis directrice de l’Innovation, elle y met en place les Labs d’innovation et la Digital Academy. En 7 ans, l’entreprise passe alors d’un peu plus de 2 millions de clients en ligne à 14 millions. Claire évolue également dans un écosystème Fintech en pleine ébullition, et côtoie les fondateurs de startups à succès comme Starling Bank, Monzo, OakNorth, TransferWise. Elle s’investit aussi dans les incubateurs, et dans la cause des femmes dans la Fintech afin de pousser notamment les femmes CEO. Elle devient ensuite Directrice de la transformation des risques au sein de Lloyds Banking Group, dont un pan de la transformation digitale touche à sa fin, afin de nourrir son intérêt pour l’opérationnel.

En 2018, elle intègre Société Générale, au sein de la direction générale, et supervise Société Générale Ventures, un fonds transverse de 150 millions d’euros dédiés à l’innovation.

Présent : l’innovation pour accélérer et inventer les business models

Sa mission principale est de favoriser l’accélération de la transformation des modèles d’affaires existants et de créer de nouveaux business modèles au sein de Société Générale (créée il y a plus de 150 ans), dans un environnement très décentralisé. La culture d’innovation est très marquée par les ingénieurs, et l’innovation constitue l’une des 4 valeurs de l’entreprise, aux côtés de la Responsabilité, de l’Engagement, et de l’Esprit d’Équipe. Néanmoins, l’entreprise évolue dans un secteur qui ne se transforme pas très vite.

L’organisation est très différente de Lloyds Banking Group, principalement axée sur un pays et avec 65 000 collaborateurs, puisque Société Générale a plus de 138 000 collaborateurs, opère dans 62 pays, sur 15 lignes de business. Ainsi par exemple, un investissement d’innovation de l’entreprise n’est pas (pour des raisons d’ampleur, de coûts ou d’objectifs), répliqué à tous les clients. Claire Calmejane constitue aussi un profil relativement singulier, puisque l’une des rares jeunes femmes IT membres d’un comité de direction d’un groupe du CAC 40.

Le constat est le suivant : la transformation ne peut pas rester sur l’aspect technologique, elle doit rentrer dans le business model d’affaires. Alors comment passer de l’innovation théorique à une logique de « Get Shit Done » ?

Tout d’abord, en investissant dans, ou en procédant à l’acquisition de futures pépites du secteur :

  • Forge, une filiale du Groupe basée sur la technologie Blockchain, qui a fait récemment une transaction en Euro Digital
  • Shine, un compte professionnel en ligne qui simplifie le quotidien de 70 000 clients entrepreneurs à date
  • Treezor, leader du Banking-as-a-Service en Europe
  • Et bien d’autres ..

Ensuite, en mobilisant les collaborateurs via un Internal startups call, qui génère de multiples vocations d’intrapreneurs, répartis  partout dans le monde.

Puis en s’assurant qu’elle n’est pas seule à porter la transformation : son rôle est celui d’une supervision globale, et il est de faire passer à tous le message suivant : « si tu investis dans le digital et que tu ne sais pas dire l’impact sur la relation client ou l’impact business, tu es en retard ». Sa gouvernance permet d’expliciter les cibles, et les sujets principaux à traiter dont l’expérience client, l’expérience employé, les nouveaux modèles de management en agile… La culture d’innovation traverse les métiers, et bénéficie aussi de ses champions avec notamment l’animation d’un Top 60 des Senior Digital Leaders du Groupe. De plus en plus de profils plus traditionnels veulent se mettre au digital, signe qu’ils ont bien perçu la nécessité de le faire.

Enfin, cela amène à se poser des questions sur les choix technologiques : quid de l’intelligence artificielle ? Comment faire pour ne pas dépenser beaucoup d’argent pour un faible ROI ? Sur ce point, Société Générale a une vision claire, avec tout d’abord 78 % de l’infrastructure technique sur du cloud propriétaire, où près de 80 algorithmes d’intelligence artificielle sont déjà opérationnels, dont la prédictibilité du découvert, ou les chatbots qui répondent à 15 000 conversations par jour sur ses banques en France. Ces « robots conversationnels » sont d’ailleurs loin des échecs affichés par certaines grandes entreprises, puisqu’ils bénéficient d’un taux de satisfaction de 95 %. Cela permet également de multiplier les interactions clients, avec une moyenne de 34 interactions par mois avec le digital en France.

Futur : invention des futurs business models et innovation durable

L’enjeu à 2030 est de taille : créer toutes les lignes de business sur une vision  « Bank As a Service » et « E­commerce ». Cela nécessite de nouveaux rails financiers et technologiques.

Cela implique aussi pour elle une évolution des profils vers plus de diversité, et  l’intégration obligatoire d’une composante digitale et technologique. Ce sujet commence peu à peu à bouger, puisque Claire Calmejane a par exemple intégré récemment un classement annuel des 100 femmes les plus influentes d’Europe, et 4 des nouvelles lauréates ont des profils technologiques.

Tout cela ne se fera bien sûr pas sans une profonde responsabilité d’entreprise, en mettant l’innovation au service du durable. Société Générale a lancé en ce sens un challenge Female Fintech For Good mixant RSE et économie verte.

Toutes ces avancées iront plus ou moins vite selon les portefeuilles clients, et les réalités pays, mais Claire Calmejane est déterminée à avancer. Je lui souhaite qu’elle soit entendue par de nombreuses personnes, au sein de son entreprise, et au-delà.