« La capacité d’apprendre plus vite que vos concurrents est le seul avantage compétitif pérenne. »
Arie de Geus
Il y a presque 25 ans, Arie de Geus, un théoricien de la gestion des entreprises, publiait un livre intitulé « The Living Company: Habits for Survival in a Turbulent Business Environment ». Cette notion d’entreprise vivante, en perpétuelle évolution ou adaptation à son environnement est tout à fait d’actualité dans ce contexte post-COVID particulièrement instable.
Plus récemment, c’est Andrew Grove, ex CEO de Intel, qui faisait un constat frappant de clairvoyance qui résonne comme une prophétie : « You have no choice but to operate in a world shaped by globalization and the information revolution. There are two options: adapt or die ». S’adapter ou mourir semble être le crédo de nombreuses entreprises en cette période de pandémie où la majorité des activités quotidiennes se font maintenant sur les supports numériques. Il faut s’adapter, soit, mais le problème est que cette adaptation aux nouveaux usages numériques nécessite un minimum de compétences ou à défaut de connaissances. Nous sommes donc plus dans une logique de « Learn or Die ».
Croyez-le ou non, mais cette antithèse ne date pas d’hier, car déjà en 2014 le professeur d’administration des entreprises Edward D. Hess publiait un livre éponyme dans lequel il écrivait : « Pour pouvoir continuer à opérer dans un quotidien toujours plus marqué par la globalisation et les changements technologiques rapides, les individus et organisations doivent amener leur capacité d’apprentissage à un niveau largement supérieur ». L’auteur définit l’apprentissage comme la base de l’amélioration continue, de l’excellence opérationnelle et de l’innovation, rien que ça !
Effectivement, pour pouvoir exceller, améliorer son organisation ou innover, une entreprise a impérativement besoin de développer de nouvelles capacités, donc d’apprendre. Et dans le cadre de la quatrième révolution industrielle, celle du numérique, l’enjeu consiste à apprendre plus vite que le rythme d’évolution du marché, sinon impossible de résorber sa dette numérique.
Vous noterez que cette notion d’apprentissage continu n’est pas réellement une innovation managériale disruptive, puisque personne ne peut raisonnablement vous affirmer que non, la formation et la montée en compétences ne sont pas des activités critiques pour les entreprises. S’il existe effectivement un consensus pour dire que la gestion des compétences est essentielle à la survie de toute activité, la mise en oeuvre d’une culture d’apprentissage continu est loin d’être une évidence, car la grande majorité des entreprises se contente du minimum syndical. Une grave erreur, car si au siècle dernier, il y avait des métiers que l’on pouvait apprendre et perfectionner « sur le tas », avec la quatrième révolution industrielle les choses se compliquent, car la transformation digitale ne peut s’opérer qu’en maitrisant certaines compétences techniques ou fonctionnelles relatives au e-marketing, au commerce en ligne, au cloud, à la gestion des données, à l’intelligence artificielle…
L’entreprise vivante ou l’entreprise apprenante ne sont pas des modèles d’organisation qui s’improvisent ou se décrètent, comme dans : « Il faut qu’on soit une entreprise apprenante ! ». C’est avant tout une culture qu’il faut implanter, cadrer et soutenir (lire à ce sujet le rôle de la formation dans la méthode agile SAFe : Continuous Learning Culture). C’est un projet d’entreprise qui nécessite des ressources et de la méthode, notamment par le biais d’un Chief Learning Officer en charge de définir des programmes de montée en compétences cohérents ; ainsi que d’un référentiel de compétences numériques (il existe des référentiels génériques qui peuvent être d’excellentes bases de travail, comme ici : New Standard Will Help Nations Accelerate Digital Literacy and Digital Skills Building).
Nous avons déjà abordé le thème de la résistance au changement sur notre site, mais il est important d’en rappeler les fondamentaux : la recherche du statu quo trouve ses racines dans la peur de l’inconnu. Ainsi, les salariés s’opposent au changement pour trois principales raisons :
- absence de repères (« je ne comprends plus ce monde ») ;
- manque de compétences (« je ne sais pas faire ») ;
- déficit de confiance (« je ne suis pas capable »).
Le plus petit dénominateur commun de ces trois raisons est bien évidemment la formation. Dans la mesure où nous constatons que l’environnement de marché est en perpétuelle évolution, et que le rythme de cette évolution s’accélère, la montée en compétences doit s’opérer à tous les étages de l’entreprise, elle doit être systémique. Pour ce faire, il convient dans un premier temps de combler les retards les plus flagrants, pour pouvoir ré-internaliser les opérations qui étaient sous-traitées ; et dans un second temps de maintenir une dynamique d’apprentissage continu en adoptant des tactiques pédagogiques contre-intuitives (How to build a culture of continuous learning: 3 ideas to borrow). L’auteur de cet article incite les entreprises à instaurer une discipline pour systématiser et diversifier l’apprentissage :
- plutôt que de capitaliser les connaissances et compétences (apprentissage vertical), il convient de diversifier les domaines de formation, de sortir de sa bulle de compétences pour pouvoir répartir les savoir-faire (apprentissage horizontal) ;
- plutôt que d’accumuler les heures ou jours de formation, il convient de travailler l’assimilation et l’ancrage des connaissances en systématisant les rétrospectives pédagogiques (résumer et partager ce que l’on a appris) avant de se lancer dans de nouvelles sessions ;
- plutôt que de former les équipes les unes après les autres, il convient de former les personnes en réseau (créer des mini-communautés d’apprentissage de collaborateurs qui sont impliquées dans les mêmes processus ou chaines de valeur) pour faire en sorte que toutes les compétences évoluent en même temps, limitant ainsi les résistances au changement.
Comme vous pouvez le constater, dans la plupart des entreprises nous sommes loin du compte, et il y a potentiellement beaucoup de choses à revoir dans la façon de gérer la formation et plus généralement la montée en compétences, surtout sur les sujets numériques. La bonne nouvelle est qu’il existe maintenant des outils numériques très performants pour capter et structurer les connaissances, produire et distribuer des contenus pédagogiques, évaluer et entretenir des compétences… La difficulté est maintenant d’intégrer la gestion des compétences numériques dans la feuille de route stratégique des entreprises.
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Si vous souhaitez évaluer votre niveau de maturité digitale ou votre dette numérique et définir une stratégie de montée en compétences digitales reposant sur des pratiques solides d’apprentissage continu, vous pouvez nous contacter.