« Si on me donnait six heures pour abattre un arbre, je passerais la première à affûter la hache. »
Abraham Lincoln
Les terrasses des restaurants, boutiques et lieux de culture sont de nouveau ouverts après de longues semaines de confinement. En revanche, la situation n’a pas évolué pour les entreprises, car la majorité des employés de bureau est encore en télétravail. Ainsi, certains sont forcés de travailler de chez eux depuis presque 15 mois !
Une situation de crise amortie par des collaborateurs condamnés à travailler plus
Le problème est que la phase de reprise de l’économie qui vient d’être amorcée va générer une pression encore plus forte sur des collaborateurs qui sont parfois déjà au bout du rouleau. Très clairement, la situation s’annonce intenable, car déjà avant la crise sanitaire, la multiplication des canaux de communication numérique avait engendré un éparpillement de l’information et un fractionnement des plages de travail.
Avec le basculement forcé et très soudain en télétravail, de nombreuses entreprises et organisations ont dû adopter en catastrophe des outils en ligne, accentuant ainsi la fragmentation du travail. Il en résulte une désorganisation latente que les collaborateurs sont obligés de compenser en travaillant plus, parfois bien au-delà de ce qu’ils sont censés faire.
Certes, la reconversion des temps de transport et temps de pause en travail effectif permet de limiter l’impact négatif sur la productivité, mais ceci se fait au détriment de l’équilibre personnel – professionnel, donc du bien-être physique et mental. Ce surmenage engendré par l’absence de coupures peut même être fatal à long terme : Working 55 hours a week can be deadly. Ces interminables journées de travail face à son écran favorisent les micro-interactions et la prolifération des notifications. Il en résulte la tentation de tout gérer en même temps, même si nous savons que le fonctionnement en multitâches n’est pas optimal.
Nous avons ainsi la preuve scientifique que notre cerveau n’est pas câblé pour faire plusieurs choses en même temps, il nous en donne l’illusion en basculant rapidement de l’une à l’autre, mais en alourdissant la charge mentale et en réduisant considérablement la performance : The myth of multitasking. L’aveuglement autour du travail multitâches est tel, que nombre de personnes sont persuadées d’être plus productives, car agiles ! Le sujet de la fausse agilité ayant déjà été traité (Mythes et réalités de l’entreprise agile), nous recentrerons cet article sur la nécessité d’adopter de nouvelles pratiques de management.
Travail à distance => Management à distance
La rapidité avec laquelle le virus s’est propagé et l’ampleur de la crise ont pris de court les entreprises du monde entier. Si personne ne peut les blâmer de ne pas avoir anticipé cette situation, il est maintenant de leur responsabilité d’accepter qu’il n’y aura pas de retour à la normale et qu’il va falloir s’adapter à un quotidien sans contact. Ceci va se traduire par une organisation hybride où les collaborateurs seront en télétravail partiel au moins pour les deux prochaines années (The future of work: What next?).
Face à cette réalité, il convient dans un premier temps de constater les mauvaises habitudes prises par les collaborateurs et par les managers. Comme nous venons de le voir, les collaborateurs sont ainsi forcés de rester chez eux dans un environnement de travail souvent dégradé. Cette situation a favorisé la prolifération de nombreux travers, dont le fonctionnement en multitâches : 5 bad habits remote workers need to bust (and ways to do it).
Il y a également de mauvaises habitudes prises par les managers, dont la tentation de faire de la micro-gestion journalière, c’est-à-dire d’ordonnancer la moindre tâche et d’en contrôler l’exécution à travers d’innombrables visioconférences. Une pratique infantilisante qui s’apparente à une vulgaire revue de troupes comme dans l’armée ou à faire l’appel comme au collège.
Une approche du management dont nous connaissons tous les limites (Even the CEO of Zoom Says He Has Zoom Fatigue), mais qui correspond à un besoin de contrôle et surtout à une paranoïa latente chez les middle-managers. Non seulement ces pratiques dégradent la relation de confiance entre les collaborateurs et leur manager, mais en plus elles engendrent un phénomène inverse de résistance passive que l’on constate dans des environnements ultra-compétitifs comme en Chine avec le mouvement moyu qui s’est développé en réaction à la culture du 996 (Beyond 996: a beginner’s guide to China big tech culture).
La solution pour éviter ces dérives serait de manager les collaborateurs en télétravail comme des prestataires : fixer un objectif ainsi qu’un cadre de travail (ex : contraintes à respecter), mais les laisser libres dans l’organisation et l’exécution. Comme il est très justement rappelé dans l’article suivant : « Work is something you do, not a place you go » (The new way to work is about outcomes, not hours).
Cette approche du management permet à la fois de développer l’autonomie et la responsabilisation des collaborateurs, mais en plus de limiter les communications inutiles. Selon ce principe, tout le monde est gagnant : des collaborateurs valorisés, car on leur fait confiance, et des managers pouvant se concentrer sur le pilotage des activités et le mentorat des individus (3 best practices for a hybrid workplace from someone who’s done it for years).
Aider les collaborateurs à mieux s’organiser
Comme cela a été précisé en début d’article, la situation que nous vivons est subie et non voulue. Le travail à distance n’a pas été souhaité, mais imposé du jour au lendemain. C’est un mode de travail qui exige beaucoup de discipline et une organisation spécifique, deux prérequis dont n’ont pas bénéficié tous ces collaborateurs.
Voilà pourquoi le principe de mentorat est particulièrement pertinent aujourd’hui : aider chaque collaborateur à modifier ses habitudes en les adaptant aux contraintes du travail à distance et en les accompagnant vers une plus forte autonomie que s’ils étaient tous les jours présents dans les locaux. Malheureusement, comme le dit le proverbe : on ne gère bien que ce que l’on mesure.
C’est dans ce contexte que les outils de mesure et de gestion de la performance prennent toute leur importance : The Tale Of Performance Management Tools: 15Five, Lattice, BetterWorks, And More. L’objectif n’est pas de surveiller les moindres faits et gestes des collaborateurs et de mettre encore plus de pression, mais au contraire d’analyser la façon dont chacun travaille et de les aider à mieux s’organiser pour allier productivité et qualité de vie au travail (mais à la maison).
Institutionnaliser la recherche de performance permet ainsi de mieux l’encadrer et d’éviter les cas de harcèlement professionnel, souvent compliqués à identifier avec le travail à distance. Cette mesure et gestion de la performance systématique passe par la définition précise d’objectifs aux différents niveaux d’une entreprise, c’est la fameuse méthode OKR (« Objectives and Key-Results« ) initiée chez Intel et généralisée chez Google. Cette méthode repose sur une incitation à prendre des initiatives régies par des objectifs menant à des résultats-clés liés à des tâches (Qu’est-ce que la méthode OKR ?).
Cette approche du management favorise les initiatives et l’autonomie, exactement ce dont les entreprises ont besoin en cette période de crise. Nous sommes réellement dans une logique de responsabilisation individuelle plutôt que d’infantilisation. Le secret de cette méthode repose notamment sur le tissage de liens étroits entre les initiatives et tâches de chacun. L’idée étant d’aligner les différents objectifs entre les équipes et individus, car les outputs des uns sont les inputs des autres.
Adopter cette méthode dans une startup n’est pas un problème en soi, mais cela peut vite devenir très compliqué dans une grande organisation. Voilà pourquoi les outils cités plus haut sont particulièrement utiles : pour définir, mettre en oeuvre et piloter à distance l’ensemble de ces initiatives et objectifs. Certains outils comme WorkBoard combinent même gestion de la performance et management visuel. Assurément la combinaison gagnante pour faire passer les résultats avant les horaires !
Le bon sens et la discipline à l’épreuve des mauvaises habitudes
Malheureusement, ces pratiques de management se heurtent à un paradoxe : déployer un nouvel outil pour lutter contre l’éparpillement lié à la prolifération des outils. L’adoption de telles pratiques ne pourra se faire sans une concertation avec les partenaires sociaux et les middle managers.
Dans un premier temps, des actions plus pragmatiques et faciles à mettre en oeuvre sont à envisager comme l’instauration de règles (ex : pas plus de 3 visioconférences par semaine, plus d’emails envoyés le WE…) et de chartes de bonnes pratiques (ex : définir un ordre du jour pour les réunions à distance, systématiser les plans d’action individuels…).
Des mesures correctives plus faciles à faire accepter et qui peuvent fournir des résultats immédiats, mais dont la portée est limitée, car encore une fois, si nous sortons petit à petit de l’urgence sanitaire, le travail hybride va s’imposer à toutes les entreprises au moins pour les deux prochaines années. Il convient donc dès à présent de revoir à la fois l’organisation et les méthodes de travail pour s’adapter à un quotidien sans contact : It’s Time to Free the Middle Manager.
—
Si vous souhaitez en savoir plus sur notre vision de l’innovation managériale ou la façon dont nous l’avons abordée chez nos clients, n’hésitez pas à nous contacter pour pouvoir échanger sur nos retours d’expériences.