« On ne peut évaluer ses compétences dans un domaine que l’on ne connaît pas. »
Jean-Louis Étienne
Il y a en ce moment un débat autour de la souveraineté numérique. Les administrations et entreprises européennes s’inquiètent de leur dépendance vis-à-vis des solutions technologiques américaines ou chinoises (ex : Google, Amazon, Facebook, Microsoft, Zoom, TikTok…). Cette dépendance provient en grande partie du retard accumulé par ces organisations dans leur transformation digitale : La dette numérique de votre entreprise se creuse tous les jours.
La maturité numérique devient ainsi un enjeu majeur pour les entreprises, surtout en cette période de reprise où un retour à la croissance n’est envisageable que grâce aux canaux et outils numériques. Plus que jamais, la priorité des entreprises et organisations devrait être de développer de nouvelles capacités numériques pour gagner en autonomie et en réactivité : La maturité digitale est un actif immatériel stratégique. Outre l’impératif de profiter de la reprise pour combler le manque à gagner lié à la crise sanitaire, l’évolution rapide des habitudes et attentes des consommateurs (en faveur des canaux numériques) incite les entreprises à accélérer leur transformation digitale : La pleine conscience numérique, étape ultime de la transformation.
S’il y a un consensus sur l’importance de la maîtrise des outils numériques par les enfants et les citoyens, la montée en compétences numériques des salariés est un sujet dont on se préoccupe moins. La situation n’est à priori pas catastrophique, mais elle n’est pas non plus rassurante : l’indice DESI (Digital Economy and Society Index) place la France juste en dessous de la moyenne européenne. Il existe aussi une version internationale qui montre que la France est un des pays les moins digitalisés du G7 : I-DESI 2020: How digital is Europe compared to other major world economies?
Il faut manifestement faire des progrès, soit. Si nous sommes tous d’accord sur l’objectif (rattraper le retard de transformation digitale et même développer de nouvelles capacités numériques), le remède est plus difficile à cerner : il faut former, mais former qui et à quoi ? La première nécessité pour les entreprises et organisations et ainsi d’évaluer leur niveau de maturité numérique, et plus particulièrement celui des collaborateurs, car comme le dit le proverbe : « On ne peut améliorer ce que l’on ne sait pas mesurer ».
Un référentiel commun pour évaluer la maturité numérique des salariés
Une évaluation est le reflet de ce qu’un individu est censé avoir acquis comme connaissances et savoir-faire. Pour pouvoir définir de façon standardisée les compétences numériques, il existe un certain nombre de référentiels dont le plus abouti est certainement le DQ Framework lancé en 2019 (World’s first global standard for digital literacy and skills launched) et étendu en 2020 (New Standard Will Help Nations Accelerate Digital Literacy and Digital Skills Building).
Promulgué par l’OCDE et le World Economic Forum, le « Digital Quotient » s’inscrit dans une réflexion sur l’évolution des compétences nécessaires aux salariés. La priorité est ainsi passée des compétences physiques de la première révolution industrielle (il fallait pelleter de grandes quantités de charbons pour alimenter les premières machines à vapeur), aux compétences intellectuelles de la seconde révolution industrielle (il fallait se servir des machines-outils), aux compétences émotionnelles de la troisième révolution industrielle (il fallait se mettre à la place des consommateurs dans une économie reposant sur les services), aux compétences numériques de la quatrième révolution industrielle (il faut maîtriser les outils digitaux pour gagner en efficacité).
Ce référentiel repose donc non pas sur le quotient intellectuel ou le quotient émotionnel, mais sur le quotient numérique qui s’exprime à travers 8 domaines et 24 compétences (Identity, Use, Safety, Security, Emotional Intelligence, Communication, Literacy, Rights) :
La fondation Mozilla propose également avec sa Web Literacy Map une approche intéressante pour évaluer la maturité numérique à travers quatre compétences majeures (Communication, Collaboration, Creativity, Problem Solving) :
Il existe ensuite des référentiels édités par les pays eux-mêmes, comme le référentiel de compétences pour l’éducation numérique de la Suisse avec ses cinq domaines (Compétences informationnelles, Communication et collaboration, Production, Diffusion et réception, Compétences réflexives, Compétences technologiques), ou le Cadre de référence de la compétence numérique du Canada qui s’exprime sur 12 dimensions.
Plus intéressant, l’Union Européenne a publié il y a quelques années le Digital Competence Framework dont vous pouvez apprécier ci-après la récente évolution (Digital competence framework for citizens) avec 28 compétences réparties dans cinq grands domaines (Information and data literacy, Communication and collaboration, Digital content creation, Safety, Problem solving) :
Une initiative s’applique avant tout aux citoyens, mais qui est complétée par un projet similaire adapté au monde de l’entreprise : le European e-Competence Framework avec 40 compétences toujours réparties dans cinq grands domaines (Plan, Build, Run, Enable, Manage).
En France, nous avons le référentiel d’autonomie numérique édité par différentes caisses de retraite qui concerne logiquement les séniors, mais il y a surtout le Cadre de référence des compétences numériques inspiré du DigComp européen avec ses 16 compétences réparties dans cinq domaines (Informations et données, Communication et collaboration, Création de contenus, Protection et sécurité, Environnement numérique). Ce référentiel est théorique, mais vous avez la possibilité de faire une auto-évaluation sur le portail Pix en libre accès, pour le moment dédié au monde de l’enseignement (les lycéens sont tous censés le passer), il est malheureusement exploité selon un modèle freemium : la certification des compétences est payante.
Tout ceci est très intéressant, et surtout très pratique, mais par expérience, ces référentiels et outils d’évaluation peuvent être potentiellement très anxiogènes dans les entreprises qui accusent un gros retard dans le numérique. Les salariés de ces entreprises appréhendent en effet beaucoup de se faire évaluer sur des compétences pour lesquelles ils n’ont pas été formés ni précédemment sollicités. Certes, il y a une première fois à tout, mais nous avons pu constater des réactions parfois violentes qui vont de la recherche systématique d’excuses au rejet pur et dur.
Compétences, compréhension et acceptation du numérique
Chez SYSK, nous privilégions une approche bienveillante de la montée en compétences numérique grâce à un baromètre de confort digital. Le principe n’est pas de tester le niveau de connaissances des salariés, mais d’évaluer la maturité de leurs usages numériques et éventuellement les réticences qu’ils peuvent éprouver à l’égard des outils digitaux. Ce baromètre permet alors aux entreprises d’avoir une compréhension fine de l’effort pédagogique à fournir ainsi que des potentielles résistances au changement liées à la transformation digitale de l’offre ou du fonctionnement.
Concernant l’effort pédagogique, notre méthodologie repose sur des parcours de montée en compétences avec une approche holistique du numérique, pas simplement « former les gens au web » qui s’exprime sur quatre domaines (culture numérique, technologies numériques, aspects fonctionnels et humains) et trois niveaux :
- connaissances numériques (connaître les usages et acteurs, comprendre les enjeux…) ;
- compétences numériques (assimiler le fonctionnement, savoir identifier les risques et pièges, pouvoir exprimer un besoin, encadrer et piloter des prestataires…) ;
- capacités numériques (être autonome dans la définition d’un projet ou d’une activité, en assurer la réalisation et/ou l’évolution…).
Au-delà de cette méthodologie pédagogique et des initiatives nationales ou européennes, il nous semble essentiel de définir des référentiels numériques par branche professionnelle, avec un tronc commun et une partie relative aux spécificités du secteur d’activité (les usages, les technologies, les grands acteurs, le cadre législatif…).
De même, la mesure de la maturité numérique doit se faire à plusieurs niveaux : celui des individus (salariés, managers, membres du CODIR), des équipes, des services et des entités, car il y a de très fortes disparités internes en fonction de ce que l’on mesure et de là où on le mesure. Enfin, l’évolution permanente de l’environnement concurrentiel impose des mises à jour régulières du référentiel, et de l’évaluation, afin de s’adapter aux exigences du marché.
Comme vous pouvez le constater, la transformation digitale, et son accélération, n’est pas qu’une histoire d’offres ou d’outils, elle doit impérativement tenir compte des ressources humaines (les salariés) et de la complexité d’en gérer les compétences. Heureusement, pour y parvenir vous ne partez pas de rien, car il existe de solides bases de travail afin de trouver les dispositifs et solutions qui correspondent le mieux à vos besoins.
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Si vous souhaitez en savoir plus sur notre approche pédagogique ou nos outils d’évaluation de la maturité digitale, n’hésitez pas à nous contactez pour que nous puissions partager avec vous notre retour d’expériences et réfléchir à des solutions pragmatiques adaptées au contexte de votre entreprise.