« Le manager est un professionnel de la performance des autres »
Philippe Gabilliet
Depuis 1 an et demi, la pandémie a rebattu les cartes du lieu de travail, de l’organisation, des méthodes de collaboration, et a mis au défi beaucoup de managers de repenser leur fonction. Ces problématiques, nous les adressons depuis quotidiennement pour nos clients au sein de SYSK, par le biais de coachings, formations, et d’accompagnement au changement.
Dans ce contexte, j’ai eu le plaisir d’échanger une nouvelle fois avec Alexandre Pachulski, qui m’a partagé les résultats d’un sondage OpinionWay pour Talentsoft. Celui-ci a été mené en avril 2021 auprès d’un échantillon de 300 dirigeants d’entreprise et d’un échantillon de 610 salariés encadrés en France. Tous les répondants travaillent dans des entreprises du secteur privé de 50 salariés et plus.
De ce sondage, on peut tout d’abord noter que la position des managers de proximité s’est vue renforcée pendant la crise. Ainsi, durant les différents confinements, le manager a été le point de contact entre le salarié et l’entreprise. Il était le lien, celui qui aidait à y voir clair. En ce sens, il a pris la mesure de son rôle de « manager coach », en étant amené à vraiment s’intéresser aux personnes qu’il encadrait, à être à leur écoute, à les guider et à les former. De manière générale, dirigeants et collaborateurs considèrent que les managers ont bien tenu ce nouveau rôle dans un contexte compliqué.
« Plus qu’une conviction, c’est un fait et l’étude OpinionWay le confirme : le manager de proximité est la clé de voûte d’une transformation réussie des entreprises. Auparavant perçu comme un supérieur hiérarchique, le manager s’affirme aujourd’hui comme un « coach » au service d’un environnement favorable à l’intelligence collective et d’une dynamique collaborative », affirme Alexandre Pachulski.
Tout cela a notamment renforcé le lien entre dirigeants et managers de proximité, puisque 3 dirigeants sur 4 déclarent avoir davantage associé les managers de proximité aux décisions stratégiques avec la crise, et 74% ont l’intention de continuer à le faire à l’avenir.
Cette nouvelle dynamique de coach amène la nécessité de développer toujours plus les compétences humaines des managers : 8 dirigeants sur 10 comptent ainsi investir sur les soft skills de leurs managers, compétences jugées critiques par 60% des collaborateurs de moins de 35 ans.
Plus précisément, depuis le début de la crise sanitaire :
- 68% des dirigeants lorsqu’ils recrutent accordent davantage d’importance aux soft skills de leurs managers de proximité
- 57% des encadrés qui télétravaillent accordent davantage d’importance aux soft skills
- Les femmes dirigeantes (73% vs 61% des dirigeants masculins) et encadrées (57% vs 39% de leurs homologues masculins), sont nettement plus réceptives aux soft skills
- Les encadrés de moins de 35 ans (59%) sont la classe d’âge qui y est la plus attentive
L’enquête OpinionWay pour Talentsoft met également en lumière quatre soft skills considérées comme manquant le plus aux managers de proximité pour accompagner et motiver les encadrés à distance :
- La gestion du temps (pour 32% des dirigeants et 28% des encadrés)
- La culture du feedback (pour 26% et 35%)
- L’intelligence relationnelle (pour 24% et 32%)
- La prise de décisions (pour 23% et 29%)
Le télétravail imposé depuis 1 an et demi a de son côté mis l’accent sur les inégalités sociales : tous n’ont pas les mêmes lieux de vie et n’ont pas vécu les confinements dans les mêmes conditions. Les managers ont parfois manqué d’empathie sur ces spécificités personnelles.
Mais plus challengeant pour ces derniers : 62% des collaborateurs déclarent qu’ils pourraient faire au moins aussi bien que leur manager de proximité.
A cela s’ajoutent des nouveaux enjeux pour les entreprises, comme le gommage, bon gré mal gré, de la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle. Aujourd’hui, moins d’un encadré sur deux se sent autant ou plus accompagné qu’avant la pandémie dans l’équilibre de sa vie professionnelle et personnelle (42%). Ce chiffre tombe à 33% parmi les personnes sans conjoint(e) et sans enfants.
Le 100% télétravail devrait néanmoins dans un futur proche devenir minoritaire voire totalement écarté (seulement 1% des dirigeants et 4% encadrés pensent que le 100% télétravail dominera à l’avenir). Les dirigeants et les collaborateurs pensent consensuellement que le mode de travail hybride, mêlant les bénéfices du télétravail et les avantages du présentiel en entreprise, dominera après la crise. Une nouvelle organisation qui offre un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
Pour conclure, les challenges des managers sont multiples dans ce nouveau monde : apprendre à gérer des sujets de plus en plus complexes, apprendre à se remettre en cause, apprendre à changer, apprendre à accepter les feedbacks…
Cela tout en évoluant dans des structures qui ne favorisent pas le risque, et dont certains membres espèrent secrètement qu’on oublie toute cette période pour refaire comme avant. Ceux-là ont vu dans la crise leurs pires cauchemars, plutôt que de nouvelles opportunités. Ils seront les plus durs à faire changer sur la durée.
Pourtant, si ces managers souhaitent poursuivre le voyage en continuant de s’améliorer, tant dans un souci d’efficacité de l’entreprise que d’engagements de leurs talents, il faudra inévitablement se retrousser les manches, et retrouver « l’oeil du tigre » de leurs débuts.