Zero party data et cookies tiers, nouvelles perspectives de la publicité en ligne

« Chaque fois que je vois le nombre 1, j’ai envie de l’aider à s’échapper… Il a constamment à ses trousses, derrière, le zéro qui veut le rattraper et devant, toute la mafia des grands nombres qui le guettent »
Romain Gary

Vous avez probablement déjà entendu parler de la fin des cookies tiers, sans approfondir le sujet pour autant. Celui-ci est pourtant crucial car il va irrémédiablement bousculer le secteur de la publicité en ligne et la manière dont nous imaginons la collecte des données sur internet. Comment cette évolution se dessine-t-elle et comment l’utilisation de « zero party data » peut-elle ouvrir la porte à de nouveaux usages ?

Qu’est-ce qu’un cookie tiers ?

Les cookies sont des informations stockées dans un navigateur web qui sont collectées au fur et à mesure de votre navigation sur internet. Si certains cookies peuvent être indispensables au bon fonctionnement d’un site, d’autres permettent simplement de personnaliser et d’optimiser l’expérience utilisateur, en collectant des informations précieuses sur le comportement des internautes : d’où ils viennent, ce qu’ils ont fait sur un site, le temps qu’ils y sont restés ; facilitant ainsi leur identification. Ces informations sont la base servant à créer des profils publicitaires, permettant donc de cibler et de personnaliser des messages ou des offres, mais aussi à mesurer la performance des publicités : savoir si elles ont eu un impact sur le comportement d’un internaute, comme par exemple si elles ont directement contribué à un achat en ligne.

Les cookies peuvent donc être assimilés à des marqueurs numériques, mais une distinction se fait en fonction de qui possède, ou du moins, de qui a déposé le cookie sur l’ordinateur de l’internaute : il y a les cookies internes qui sont déposés par le propriétaire du site web, les cookies externes qui sont déposés par l’éditeur d’un site web pour le compte d’une autre entreprise, et les cookies mutualisés qui sont déposés pour le compte d’un partenaire. Lorsque vous visitez un site web, ce sont entre 50 et 150 cookies qui sont ainsi déposés sur votre ordinateur : le cookie interne du site, généralement utilisé à des fins statistiques, et tous les cookies externes ou mutualisés qui sont utilisés dans le cadre d’actions publicitaires (profilage, ciblage, personnalisation, traçage…).

La CNIL définit les cookies tiers  comme « des cookies pouvant être nécessaires au bon fonctionnement du site mais servant majoritairement à permettre au tiers de voir quelles pages ont été visitées sur le site en question par un utilisateur et de collecter des informations sur lui, notamment à des fins publicitaires« .

Le blocage des cookies tiers signifie l’impossibilité pour les annonceurs de reconnaitre les internautes, donc d’enrichir leurs profils publicitaires, donc de cibler ou personnaliser les messages. C’est un coup de tonnerre dans l’industrie publicitaire habituée à collecter des milliers d’informations sur le parcours et le comportement des internautes.

Pourquoi est-ce bientôt la fin des cookies tiers ?

Les navigateurs web Safari et Firefox (respectivement édités par Apple et Mozilla) bloquent déjà l’utilisation des cookies tiers, mais ne représentent que moins d’1/4 du marché. De son côté, Google a annoncé son intention de bloquer  les cookies tiers dans Chrome en 2023, rendant ainsi très compliquée l’identification des internautes par les outils publicitaires.

Concrètement, à moins d’avoir déposé sur l’ordinateur d’un internaute votre propre cookie, celui qui est lié à votre site web (on parle alors de « first party cookies »), vous n’aurez plus la possibilité de reconnaitre et étudier le comportement des visiteurs dans le cadre d’une campagne publicitaire ou d’acquisition de trafic. La principale raison invoquée par Apple ou Google est de préserver la confidentialité des utilisateurs, mais ce qu’ils cherchent réellement à faire est de se positionner en tant qu’intermédiaires incontournables pour tout ce qui touche à la publicité. L’objectif pour eux étant de renforcer leur position dominante et d’imposer une « taxe numérique », comme c’est le cas sur l’iPhone depuis la dernière mise à jour d’iOS qui donne la possibilité aux mobinautes de bloquer l’accès à l’identifiant publicitaire (IDFA pour « Identifier for Advertisers« ) et forcer ainsi les annonceurs à payer une commission aux partenaires publicitaires d’Apple.

Il n’est ainsi pas question de confidentialité, mais de partage non équitable des revenus publicitaires. En restreignant l’accès aux cookies tiers, et plus généralement aux identifiants publicitaires, Apple et Google empêchent les annonceurs de collecter des données comportementales sur les internautes et mobinautes. Des données qui sont essentielles pour pouvoir délivrer la promesse de la publicité numérique : des messages parfaitement ciblés, personnalisés et mesurés. Heureusement, les annonceurs ont encore la possibilité de collecter des données directement à la source tout en respectant les règles de confidentialité.

3 2 1 0 party data

Comme nous venons de le voir, les cookies servent à identifier les utilisateurs pour pouvoir collecter des données. En fonction de la nature du cookie (interne, mutualisé ou externe), il est possible de distinguer plusieurs types de données :

  • Les données tiers, third party data, qui sont des données comportementales achetées par les annonceurs auprès d’entreprises tierces car non-détenues par l’annonceur en question. Elles peuvent être utilisées pour personnaliser un site web ou un message en fonction des profils publicitaires alors même que les visiteurs ne se sont jamais rendus sur le site auparavant ;
  • Les données mutualisées, second party data, similaires aux third party data, mais qui sont généralement collectées ou échangées dans le cadre d’un partenariat, donc sans transaction financière ;
  • Les données internes, first party data, qui sont les données directement collectées par l’annonceur sur son site web (ex : données de navigation, historiques de transactions…) ;
  • Les données déclaratives, zero party data, qui sont volontairement transmises par les utilisateurs aux marques.

Jusqu’à récemment, les annonceurs faisaient un usage très majoritaire des données tiers, car elles leur permettaient de cibler et personnaliser les publicités sans avoir à créer des profils publicitaires, ce qui représente un gain de temps énorme. Mais ça, c’était avant le RGPD et le blocage des cookies tiers par Apple, Mozilla et Google.

Pourquoi se tourner vers les zero party data ?

Si aujourd’hui il existe un grand nombre de manières de collecter les données et de les exploiter pour cibler ou personnaliser une publicité en ligne, les zero party data sont extrêmement précieuses dans la mesure où le consommateur aura montré son intérêt pour la marque en partageant volontairement ses données avec eux. S’adresser à une cible ayant déjà communiqué son intérêt pour une marque d’une manière ou d’une autre ne peut que permettre d’établir des relations beaucoup plus qualitatives avec ses cibles et générer de meilleures opportunités commerciales. En d’autres termes : les cibles touchées à l’aide de données externes sont des prospects, voire des suspects (on ne connait pas leurs intentions), alors que les cibles touchées avec des données déclaratives sont des prospects ultra-qualifiés : on sait qui ils sont et quelles sont leurs intentions (à travers l’intérêt déclaré pour une marque ou un produit / service).

Par ailleurs, tandis que les réglementations autour des données se durcissent (nouvelle directive e-Privacy, Digital  Marketing Act…) et que les grands acteurs de la Adtech comme Google prennent position, il est aujourd’hui indispensable de varier la manière de collecter les données et de se tourner vers des stratégies plus pérennes et respectueuses du consommateur. En effet, au cœur de cette collecte de données déclaratives, le consentement des utilisateurs est la clé. En dehors de toute considération liée à l’évolution du marché de la publicité numérique, la zero party data a l’avantage de permettre aux marques de récupérer des données comportementales et personnelles sur leurs audiences tout en respectant leur consentement réel : elles ne les obligent pas à cliquer un lien minuscule dans un coin de l’écran, elles l’obtiennent de façon consciente et assumée par le biais de différentes méthodes que nous allons voir par la suite.

Les méthodes de collecte des données zero party

Vous souhaitez mettre en place une stratégie de collecte des données zero party ? Voici plusieurs exemples de tactiques employées par les marques pour récupérer des données déclaratives.

En premier lieu, l’inscription . La création de compte pour l’utilisateur d’un site est l’occasion d’obtenir un grand nombre d’informations qui permettront ensuite au site de personnaliser la navigation, mais également de personnaliser des offres par le biais d’autres canaux comme l’email. Ici, Nespresso incite à la création de compte en ajoutant une notification associée au symbole “cadeau” :

Avec la création de compte, l’utilisateur communique ainsi des informations très spécifiques comme son numéro de compte client afin de compléter les informations inscrites dans la plateforme CRM et de permettre le croisement des bases de données.

Ensuite, les formulaires. Remplir un simple formulaire est souvent moins chronophage qu’une inscription pour la personne ciblée. On peut ainsi lui proposer de saisir ses informations dans un formulaire en échange d’une contrepartie (ex : bons de réduction). Pour une marque grand public, il s’agira par exemple d’un jeu-concours :

En B2B, cela concernera plutôt la possibilité de télécharger un document en échange de ses informations, comme avec Hubspot qui propose une étude en téléchargement :

Viennent ensuite les quiz et sondages. Un quiz fonctionnera de la même manière qu’un formulaire, mais aura des finalités différentes, puisque l’utilisateur obtiendra une réponse personnalisée.

Par exemple, Noom est une marque qui propose des programmes d’accompagnement pour mieux manger. Sur son site, elle propose aux utilisateurs de répondre à quelques questions pour définir leur profil :

En plus de collecter un grand nombre d’informations précieuses, Noom récupère également l’email des utilisateurs à la fin du questionnaire :

Enfin, l’inscription à une newsletter. L’abonnement à une newsletter peut être le moment de collecter des informations sur les utilisateurs et de cibler plus précisément les personnes intéressées par le contenu produit par la marque. Parfois, l’abonnement à la newsletter fait l’objet d’une inscription plus large à un compte utilisateur, comme ici chez NYX :

Parfois, la marque est plus respectueuse et ne récupère qu’un email, comme ici sur le site de Mustela :

Nous avons listé certaines manières de collecter des données déclaratives, les plus répandues, mais cette liste n’est pas exhaustive. Pour réussir sa stratégie zero party data, il faut savoir quoi faire de ces données, avoir une idée claire de actions à mettre en place ultérieurement. Ainsi il faut se poser les questions suivantes :

  • Quelles données récupérer ?
  • Dans quel but ?
  • Où stocker ces données ?
  • Avec quels outils les manipuler ?
  • Comment personnaliser le contenu, les messages ou les offres ?
  • Quels scénarios d’automation mettre en place ?

Comme vous pouvez le constater, il y a de nombreuses questions à se poser avant de se lancer dans la collecter de données déclaratives. Trouver des réponses à ces questions est d’autant plus important que la collecte et l’exploitation sont maintenant des activités réglementées (RGPD). Mais dans tous les cas de figure, c’est une démarche que toutes les marques et organisations vont devoir mener si elles souhaitent diminuer la dépendance aux GAFA qui elle, ne cesse d’augmenter avec le temps.

Si vous souhaitez être accompagné(e) dans la mise en place de vos projets ou de votre stratégie data au sein de votre entreprise, contactez-nous.