« Le virtuel a ceci d’extraordinaire de connecter les âmes du monde entier, ce que le physique ne permettra jamais. »
Patrick Louis Richard
Si les cryptomonnaies et NFTs ont beaucoup fait parler d’eux en 2021, le métavers est assurément le sujet le plus populaire de l’année. Un gain subit de popularité pour un concept qui remonte cependant à la fin des années 80, une époque où les systèmes de communication numériques étaient décrits comme les « autoroutes de l’information » et où les environnements virtuels en 3D nous étaient présentés comme des « cyberespaces ».
Des origines littéraires très éloignées de la réalité informatique
Les romans publiés au siècle dernier font référence à des mondes virtuels fictifs dans lesquels se déroule une partie de l’intrigue. Une vision très optimiste des univers virtuels qui naitront au début du XXIe siècle (ex : Second Life). Trois décennies plus tard, les usages et technologies sont radicalement différents, notamment grâce à la généralisation des smartphones et au succès des jeux vidéo multijoueurs. Pourtant, la vision décrite dans la littérature cyberpunk est loin d’être complétée : Quels enjeux pour le métavers 15 ans après ?
Qu’à cela ne tienne, l’intérêt pour le métavers et plus généralement la réalité virtuelle a été relancé il y a quelques années avec le rachat d’Oculus par Facebook et la réorientation stratégique du groupe fondé par Mark Zuckerberg pour en faire le futur nouveau poids lourd du secteur : Meta est la seule société qui a la vision, l’ambition et les moyens de créer le premier métavers.
Si les descriptions qui en sont faites peuvent sembler révolutionnaires (évoluer dans un environnement virtuel quasiment indissociable de la réalité), le métavers n’a rien de disruptif dans la mesure où il s’inscrit dans une longue évolution des outils et pratiques informatiques : Le métavers n’est pas une rupture, mais une continuité.
Contrairement à l’idée véhiculée par certains médias traditionnels, le métavers n’est pas le nouvel internet, puisqu’il repose justement sur les infrastructures techniques existantes. Il est ainsi plus pertinent de considérer le métavers comme un usage complémentaire aux autres (web, emails, streaming…).
De même, en l’état, les masques de réalité virtuelle ne remplaceront pas les smartphones, même dans 10 ans. Celles ou ceux qui formulent cette assertion ne tiennent pas compte du coût que représente l’équipement, tout comme la nécessité de posséder un minimum d’aisance ou de compétences numériques pour pouvoir correctement apprécier ces nouveaux usages. En effet, les applications de réalité virtuelle sont plus complexes à prendre en main et à apprécier que les applications mobiles (ex : jeux hyper casual).
Un concept qui reste flou en l’absence d’une définition communément admise
À l’époque où les premiers standards de publication de contenus 3D sur internet voyaient le jour, notamment WebGL, certains prédisaient l’avènement du web 3D. Décrire le métavers comme une représentation en 3D du web actuel serait un raccourci grossier. Mais si tout le monde s’accorde pour dire que le métavers représente bien plus, il n’existe malheureusement pas de définition faisant référence, comme ça a été le cas pour le Web 2.0 (le web web en mode « lecture / écriture »).
Dans la mesure où le concept n’a pas été clairement précisé à l’époque, il existe autant de définitions que de visions. Facebook décrit ainsi le métavers comme la prochaine évolution des interactions sociales et le successeur de l’internet mobile (What is the metaverse?).
Il est néanmoins possible de formuler une définition générique qui prenne en compte les différentes caractéristiques fonctionnelles et techniques : « Le métavers est un média immersif où des avatars peuvent vivre des expériences ludiques et sociales dans des environnements virtuels persistants ».
Selon cette définition, le métavers couvre de nombreux usages (univers virtuels, jeux multijoueurs, applications mobiles d’avatar…), ce qui explique les projections très enthousiastes de certains cabinets d’étude (The metaverse could reach $5 trillion in value by 2030) ainsi que le nombre de supports associés (138 Virtual Worlds in the Metaverse).
L’ambiguïté qui plane sur ce que l’on considère être lié au métavers ou non est clairement un problème qu’il faut adresser au plus vite : If everything is the metaverse, then the metaverse is nothing. Cette clarification est indispensable pour pouvoir faciliter la bonne compréhension des usages autour du métavers, donc leur adoption : Why we need a universal language when talking about the metaverse.
Des enjeux autour du rythme d’adoption, de la lisibilité et de l’intégration
Il y a quelques années, quand l’intelligence artificielle était un sujet très médiatisé qui alimentait les espoirs les plus démesurés, les spécialistes nous alertaient sur la nécessité de bien comprendre leurs avantages et limites afin de ne pas faire de mauvais choix et de ne pas perdre du temps et/ou de l’argent, voire les deux ! Nous bénéficions maintenant d’un minimum de recul pour mieux comprendre ce que sont les intelligences artificielles et les meilleures façons de les mettre en oeuvre.
Avec le métavers, nous sommes vraisemblablement en train de reproduire les mêmes erreurs : trop d’imprécisions et de fausses promesses formulées par des promoteurs plus ou moins bien intentionnés. Il est ainsi essentiel de comprendre que la prime au premier entrant a déjà été collectée par les marques les plus audacieuses (ex : Gucci, Balenciaga…). Inutile donc de vous précipiter dans un projet pilote couteux et hasardeux, il convient d’aborder le métavers de façon pragmatique et raisonnée pour éviter de proposer une expérience décevante : We Took a Test Drive in the MINIverse … and Crashed.
Plusieurs problématiques sont ainsi à prendre en compte :
- le faible rythme d’adoption du métavers, du moins des univers virtuels reposant sur la blockchain (ex : Decentraland, The Sandbox, Cryptovoxels…) qui nécessite l’utilisation d’un portefeuille numérique, donc limite l’accès aux utilisateurs de plus de 18 ans ;
- la lisibilité des activités et fonctionnalités proposées, surtout aux yeux des néophytes qui ne savent pas forcément ce qu’est un NFT, un wallet ou une DAO ;
- l’intégration du métavers dans un écosystème numérique déjà très chargé pour des annonceurs qui ont l’obligation de maitriser leurs coûts d’acquisition client.
Toutes ces raisons font que les marques et organisations hésitent à se lancer, même si la pression médiatique est très forte. Au risque de nous répéter, nous vous incitons fortement à ne pas vous précipiter et à respecter certains réflexes qui relèvent du bon sens :
- Ne pas se laisser griser par les prévisions, et toujours chercher à comprendre la fiabilité de ces chiffres (ex : 9 entreprises sur 10 accélèrent leurs investissements dans le metaverse) ;
- Bien appréhender les usages et les spécificités de chaque support pour identifier les avantages / inconvénients (lire à ce sujet : Cartographie des métavers et des usages virtuels) ;
- Définir des objectifs viables en lien avec une problématique précise concernant votre marque ou vos clients (ex : Le métavers est une échappatoire aux monopoles numériques) ;
- Ne pas se tromper dans le choix des supports à exploiter et la meilleure façon de le faire (cf. Le réservoir de croissance du métavers n’est pas là où vous croyez et L’IA pour enrichir les métavers et proposer des expériences de marque valorisantes) ;
- Ne pas oublier les bases du marketing et les raisons pour lesquelles vous envisagez la présence de votre marque sur des supports virtuels (pour en savoir plus : Quelles pratiques marketing dans le métavers ? et Rationalisez votre écosystème numérique avant de vous lancer dans le métavers).
Le plus important est d’arriver à déterminer si le métavers est le bon canal pour pouvoir proposer une expérience qui soit à la fois cohérente avec l’image de marque que vous souhaitez véhiculer, et enrichissante pour des utilisateurs qui ont à leur disposition une multitude de contenus à travers différents canaux et terminaux. En synthèse : soyez vigilant à ne pas perdre votre temps ou à faire perdre celui de vos clients !
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Pour vous aider à mieux comprendre les usages, supports et pratiques liés aux environnements virtuels, nous vous proposons de télécharger notre livret blanc sur le métavers.