« Tout le monde a peur de se faire Uberiser »
Maurice Levy
Dans un entretien accordé au Financial Times en 2014, Maurice Levy, l’ancien PDG de Publicis, résumait parfaitement le climat de l’époque : l’angoisse de voir de nouveaux entrants issus du numérique complètement bouleverser un secteur d’activité et rendre obsolètes les acteurs historiques. Quatre ans après, force est de constater que la disruption annoncée n’a pas eu lieu, du moins pas de façon aussi abrupte et irréversible qu’on le prédisait. Pour expliquer mon propos, je vous propose de faire une rétrospective sur les deux startups emblématiques de la transformation digitale : Uber et AirBnB.
Même si le secteur du transport est irrémédiablement transformé, les grandes compagnies de taxi n’ont pas disparu et affichent même un CA largement supérieur aux plateformes de VTC (Comment les Taxis G7 ont su résister à Uber). De même, les tarifs très agressifs pratiqués par Uber au lancement du service pour stimuler sa croissance ont été revus à la hausse (Uber, taxi ou VTC, qui est moins cher? On a comparé les prix et ils se sont envolés depuis la loi Grandguillaume). Idem, pour les grandes chaînes hôtelières ont fait de gros efforts pour revoir leur offre et pouvoir lutter sereinement face aux plateformes numériques comme AirBnB ou Booking (Les 6 nouveaux axes de la transformation digitale d’AccorHotels). De leur côté, Uber et AirBnB semblent souffrir d’une croissance trop rapide (Uber perd un nouveau cadre dirigeant, Le conflit entre Airbnb et la Ville de Paris porté devant la Cour de cassation en 2019) et engendrent des effets secondaires néfastes (La croissance fulgurante d’Uber et Lyft pourrait avoir augmenté la mortalité sur les routes, À cause d’Airbnb, « les populations des couches moyennes n’ont plus leur place dans Paris »).
Face aux difficultés et revers rencontrés par les champions du numérique et au second souffle trouvé par les acteurs historiques, il convient donc d’abandonner les discours alarmistes sur la « disruption massive accélérée par le digital » et de faire preuve de discernement. Certes, les nouvelles offres issues du numérique reconfigurent la chaine de valeur (les plateformes sont devenues toutes puissantes), et transforment les usages des consommateurs, mais elles n’ont pas supprimé les besoins ou définitivement détourné les clients. Si nous sommes tous d’accord pour dire que les nouveaux entrants ont rehaussé les attentes des consommateurs, cela ne rend pas forcément les acteurs traditionnels obsolètes, charge à eux d’adapter leur offre et de s’aligner sur ces nouvelles exigences.
À la décharge des acteurs traditionnels qui doivent assumer de nombreuses contraintes structurelles, les offres ultra-compétitives des nouveaux entrants se sont depuis largement dégradées avec le passage à l’échelle : les chauffeurs de VTC ne proposent plus de bouteille d’eau et ont troqué le pantalon noir pour un jean. Quant à la promesse de « vivre chez l’habitant“ des plateformes d’hébergement, elle semble bien loin quand on constate le faible niveau d’équipement des appartements généralement proposés. Idem pour les néo-banques censées disrupter l’industrie bancaire : ce ne sont pas réellement des banques dans le sens traditionnel du terme, mais des établissements de paiement qui agrègent différentes briques technologiques pour pouvoir proposer un service quasi-similaire. Passé la lune de miel, les utilisateurs se rendent vite compte des limitations de ces offres « révolutionnaires » (pas de découvert autorisé, pas d’offre de crédit ou d’épargne…).
Il y a donc une réelle opportunité pour les acteurs traditionnels de reconquérir des clients perdus à la concurrence, mais également des tirer des enseignements sur les raisons de leur défection : recherche d’un meilleur service, manque de réactivité et de transparence dans la tarification… Passée l’euphorie de la première vague d’offres alternatives, les acteurs historiques se voient offrir une seconde chance pour dépoussiérer leur offre et faire évoluer leur modèle économique et circuits de distribution. Ce qui est certain, c’est que les consommateurs du XXIe siècle n’ont clairement plus les mêmes aspirations que ceux du XXe siècle (Comment le numérique bouleverse l’expérience de marque). Les millennials valorisent ainsi plus la jouissance (l’expérience) que la possession (l’accumulation). N’espérer pas les faire changer d’avis à coup de campagne de matraquage publicitaire, c’est à vous de vous adapter à cette nouvelle réalité de marché. Car si nous pouvons constater un retour de balancier en défaveur des disrupteurs du numérique (Deliveroo, Uber, AirBnB…), ils ne mettront pas longtemps à se ressaisir et à repartir à l’offensive : Quand les plateformes numériques passent de l’intermédiation à l’intégration, que reste-t-il aux acteurs traditionnels ?.
Comme cela est dit sur la page d’accueil de notre site : on ne transforme pas une entreprise, on l’adapte à de nouveaux enjeux posés par le numérique. L’objectif de l’accélération numérique n’est pas de faire table rase et de repartir d’une feuille blanche, mais de capitaliser sur les forces de votre organisation ou votre marque pour développer de nouveaux leviers compétitifs. Notre mission chez SYSK est de vous accompagner dans cette démarche, notamment dans l’évolution de votre offre, de vos méthodes de travail, de la culture interne… et de faire en sorte que vous ne ratiez pas l’occasion d’élever de nouvelles barrières à l’entrée pour préserver et pérenniser vos activités.